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Repêchage : l’arrière de qualité vaut-il TOUJOURS davantage que l’ailier?

Quelqu’un a dû jeter un mauvais sort à Juraj Slafkovsky!

Après avoir dû subir un des plus malheureux articles sportifs de la dernière année par le biais du Journal de Québec, où Jean-Nicolas Blanchet établissait qu’il était un des quatre pires premiers choix des 50 dernières années APRÈS 50 MATCHS EN CARRIÈRE (!!!), voilà-ti pas que selon 6 (!!!) recruteurs et dirigeants de la LNH sondés par Corey PronmanSlaf serait LE PIRE premier choix des dix dernières années.

Tout le monde en a parlé depuis : Max Truman, Mathias Brunet et JiC Lajoie.

Un propos étonnant!

Parlons donc plutôt d’une idée de Mathias Brunet qui m’a fait sursauter dans son texte sur Pronman.

En admettant lui-même entre les lignes qu’il y aurait matière à débat dans ce fameux classement, on comprend tout de même que Brunet classerait toujours Owen Power devant Slafkovsky.

La justification de Brunet est que « l’arrière de qualité vaudra toujours davantage que l’ailier

Même s’il emploie ici le mot « toujours », je ne sais pas si Brunet oserait lui-même ériger ça en grand principe universel… ni échanger Slaf contre Power. Faudrait lui demander!

Après tout, il s’inscrivait dans la minorité (dont je faisais aussi partie) qui avait classé l’ailier Slafkovsky au premier rang de sa cohorte plusieurs semaines avant ledit repêchage de 2022.

Cela dit, même s’il n’aurait manifestement pas choisi Simon Nemec ou David Jiricek devant Slafkovsky en 2022, et que personne ne va confondre Owen Power avec ces deux derniers, sa « règle générale » de la valeur supérieure des « arrières de qualité » s’applique très mal dans plusieurs cas.

On blague un peu, mais demander par exemple la question suivante aux fans des Flyers de Philadelphie : Cam York ou Cole Caufield?

Puis, au 13e rang en 2020, pensez-vous que les Hurricanes ont hésité bien longtemps entre Seth Jarvis et, disons, Kaiden Guhle (16e), que j’avais respectivement classé au 8e et 12e rang de notre mock-draft maison cette année-là?

Toujours en 2020, Jake Sanderson (5e) et Jamie Drysdale (6e) étaient perçus comme des super valeurs sûres, des défenseurs de grande qualité. Les Kings et les Wings auraient-ils dû les repêcher à la place de Quinton Byfield (2e et qui se développe davantage comme ailier) et Lucas Raymond (4e)?

Est-ce que c’est cette règle qu’auraient tristement appliquée les Canucks en 2016 quand ils ont choisi le très consensuel « arrière de qualité » Olli Juolevi au 5e rang tout juste devant Matthew Tkachuk (6e)?

À refaire, au nom de la règle, Mikko Rantanen (10e) ou Ivan Provorov (7e) avec les Flyers en 2015?

Deux derniers exemples avec des « comparables » plus vintage de Slafkovsky pour terminer : Jason Ward Eric Brewer (5e), Paul Mara (7e), Nick Boyton (9e), Brad Ference (10e) avant Marian Hossa en 1997?

Et, pourquoi pas, Daryl Sydor (7e) avant Jaromir Jagr (5e) en 1990!

Une règle trop étroite : les exemples de Reinbacher et Slafkovsky

Je ne sais pas si, dans l’affirmation de sa règle générale, Brunet a été influencé par le repêchage « profond en défensive » qui s’en vient ou par la décision du CH de choisir David Reinbacher à la place des Michkov, Leonard et Benson l’an dernier.

Mais même dans le cas Reinbacher, je ne pense pas que les gens du CH se soient simplement dit « l’arrière de qualité vaut toujours plus que l’ailier ».

Ils semblent plutôt s’être basés sur une ligne directrice beaucoup plus largesoit la recherche optimale du « meilleur joueur disponible en fonction des besoins organisationnels ».

Il s’agirait donc de cibler le joueur optimal en combinant ces deux axes : le talent/package du joueur ET les besoins organisationnels/vision de l’équipe.

Sauf pour les générationnels et les super-vedettes impossibles à manquer, il n’y aurait pas non plus de règle stricte du « meilleur joueur disponible dans l’absolu ».

Cette idée de repêcher le « meilleur dans l’absolu » est de toute façon un pur mythe, comme on l’a déjà expliqué ici. Le monde des idées pures et absolues de Platon n’existe pas! C’est une pure abstraction!

Après les vraies superstars qui crèveraient même les yeux de votre grand-mère experte en tricot malgré ses cataractes, qui est LE meilleur entre excellent « joueur x » et excellent « joueur y »?

À la rigueur, peut-être qu’un recruteur peut croire et défendre l’idée du meilleur joueur dans l’absolu. Mais les décisions finales des dirigeants sont généralement prises dans un contexte précis et une vision plus globale, comme en témoignait encore cette semaine Ken Hughes (écoutez à partir de 1:10) :

Ainsi, en 2023, le CH s’est probablement plutôt dit quelque chose comme « Reinbacher est le meilleur défenseur droitier disponible et son package (incluant la personnalité, l’intelligence, l’éthique de travail, etc.) répond beaucoup mieux à notre vision et nos besoins à moyen et long termes que toutes les autres options au 5e rang. »

En admettant, pour le plaisir et pour garder ça simple, qu’on accorde une valeur de 60% au talent/package et de 40% à la vision et aux besoins organisationnels du club, une décision comme celle de l’an dernier pourrait se traduire à peu près ainsi pour les amateurs de tableaux Excel!

Peut-être se tromperont-ils, peut-être que Michkov deviendra un « petit Mozart » agréable à côtoyer, mais pour eux, selon leurs paramètres, le « meilleur » c’était Reinbacher. Autant du côté du talent/package que des besoins. Ils l’ont d’ailleurs dit explicitement.

L’année précédente, tenant compte du marché montréalais, constatant la grosseur de leurs attaquants, le peu de talent à l’aile et le package unique du Slafkovsky, ils avaient estimé qu’il valait mieux y aller avec un type power forward dégoulinant de confiance à la Matthew Tkachuk et Cie qu’avec une copie légèrement améliorée d’Adam Larsson (Simon Nemec).

Il n’y a donc pas de règle fixe de position plus importante qu’une autre ni de règle du meilleur joueur dans l’absolu. On cherche la solution optimale pour l’organisation, et ça semble être la philosophie d’une majorité d’équipe de la LNH. C’est aussi comme ça qu’on élabore souvent ls mock-drafts : en se mettant dans le contexte des différents dirigeants.

Des fois le choix optimal c’est l’ailier, des fois c’est le défenseur, d’autres fois, le centre ; tout dépend du talent disponible ET de ce qu’on recherche!

Et puisque l’un ne va jamais sans l’autre…

Autre mythe à répudier qui fait toujours suite à l’autre et qu’on n’arrête jamais d’entendre un peu partout : « Repêche le meilleur, peu importe la position, on comblera nos lacunes plus tard en échangeant nos surplus! »

Bon, parfois ça fonctionne très bien.

Mais, comme le mentionnait récemment Kent Hughes dans son bilan, on ne sait jamais qui sera disponible et si on aura exactement ce que l’autre club recherche. Sans oublier que, plus souvent qu’autrement, si un joueur est disponible, c’est qu’il est loin d’être parfait!

Des situations comme celle des Hawks, prêts à laisser aller un centre de 21 ans comme Kirby Dach pour être sûr de tanker solide, ou celle de Cutter Gauthier qui a placé les Flyers dans une situation délicate dont ont profité les Ducks, n’arrivent pas très souvent.

En passant, le surplus des Ducks du côté droit de la défense ne devait pas être si gros que ça : ils seraient déjà à la recherche d’un défenseur droitier!

Bref, si on fait fi de ces exceptions, en se disant qu’on règlera nos problèmes plus tard par le biais des échanges, on risque souvent de se retrouver à plus ou moins déshabiller Pierre pour habiller Paul. Ce n’est pas optimal.

L’idéal est donc d’en arriver à n’avoir aucun besoin organisationnel flagrant, de subvenir le plus possible à ses propres besoins en repêchant intelligemment, en étant prévoyant et perspicace, ou encore, en cédant des surplus de choix au repêchage pour acquérir des valeurs plus sûres (Newhook).

Autrement dit, il faut idéalement ajouter de la ressource sans en donner.

On se met ainsi en véritable position de force. On construit. On ne fait pas juste changer le décor en l’améliorant un peu.

Au moment d’écrire ce lignes, considérant son contexte « post-Reinbacher » et le fait qu’il n’y ait pas de « Makar » en vue en juin prochain, si le CH veut construire intelligemment avec son choix au 5e ou 6e rang, l’option optimale risque plus d’être un attaquant.

Il y a justement le tournoi U18 ces jours-ci qui nous permet entre autres de comparer les Iginla, Eiserman et Connelly qui risquent tous d’être disponibles lorsque le Tricolore prendra la parole…

On aura le temps d’y revenir!

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