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Wright ou Slafkovsky : là est la question | 2e partie

On s’est laissé hier à la suite d’un premier texte qui laissait une impression plutôt favorable à l’endroit de Shane Wright. Malgré certains doutes par rapport à la question de savoir s’il sera le meilleur joueur du repêchage dans cinq ans, on établissait une mise en garde importante sur l’idée de lever le nez sur un joueur de centre avec un pareil profil au premier rang.

Après tout, on peut difficilement gagner des championnats sans une puissante ligne de centre et le Canadien aura la chance de repêcher une pièce maîtresse de celle-ci le 7 juillet prochain.

Sous cet angle, que doit-on alors penser de Juraj Slafkovsky et de ses chances d’être repêché par le Tricolore?

Notez qu’au moment d’écrire ces lignes nous étions en attente de son match quart de finale du Championnat mondial contre la Finlande et que suite à la ronde préliminaire, Slafkovsky siégeait au quatrième rang des marqueurs de la compétition. Avec ses 9 points en sept matchs, il devançait entre autres plusieurs joueurs établis de la LNH tels que Mathew Barzal, Drake Batherson, Nico Hischier, Mikael Granlund, Timo Meier, Dylan Cozens et Pius Suter.

AJOUT : La Slovaquie a chèrement vendu sa peau, mais a dû baisser pavillon devant la Finlande. Slafkovsky a été égal à lui-même étant très clairement un des attaquants les plus menaçants des siens, sinon le plus menaçant presque à chaque présence, dominant entre autres régulièrement ses adversaires par sa force le long des rampes. Suite à une sortie depuis le derrière du filet adverse, il a notamment frappé un poteau de plein fouet après s’être facilement dégagé de son opposant tard en troisième période. Dommage pour lui et son équipe!

Après le match, il a sans surprise été nommé l’un des trois meilleurs joueurs slovaques pour l’ensemble de la compétition.

Après les Olympiques, Slafkovsky nous a refait le coup au Championnat mondial.

Juraj Slafkovsky
Slovaquie
Ailier gauche | 6’4, 220 lbs
Naissance/âge : 30/03/2004, 18 ans

Quel genre de joueur est-il ? À qui ressemble-t-il?

Slafkovsky est dans le moule des attaquants de puissance « nouveau genre » : gros, fort, agile et talentueux. Comme d’autres l’ont dit, il se veut un mélange de Svechnikov (2e en 2018), Nichushkin (10e en 2013) et Rantanen (10e en 2015). Il semble avoir la touche de marqueur, le tir et les mains souples du premier, la force brute du deuxième, et la créativité du troisième. Ce n’est donc pas un style plus traditionnel « meat and potatoes » comme Brady Tkachuk.

Tout ça n’est bien sûr qu’à titre indicatif, c’est pour donner une idée générale de son style, mais ce sont là trois gros ailiers européens qui avaient tous été repêchés dans le top 10. Du lot, seul Nichushkin ne connaît pas la carrière que certains lui promettaient. À 27 ans, on peut dire qu’il a enfin connu sa véritable éclosion avec 25 buts et 52 points en 62 matchs sur le deuxième trio du Colorado, un club aspirant. Pas si pire, mais pour un top 10 c’est un peu décevant et un peu tard… Les deux autres sont déjà des vedettes, voire des super-vedettes.

En plus de son physique imposant et sa force impressionnante, la plus belle qualité de Slafkovsky est probablement sa capacité à converger vers le centre de la patinoire en possession de la rondelle avec régularité. De là, il crée des ouvertures et des lignes de passes pour ces coéquipiers et prend constamment de dangereux tirs au but.

Comme d’autres l’ont dit, ça rassemble beaucoup à Svechnikov, mais en plus gros et plus fort. À ce compte, je dirais que ça peut aussi faire penser à Hossa et Jagr. Pas exactement, un style qui passe inaperçu aux yeux des recruteurs!

Un style qui peut ressembler à ça, une séquence que plusieurs auront déjà vue :

Pourquoi le repêcher?

Le Slovaque est sans doute le meilleur ailier du repêchage. Avec son impressionnante charpente, il est aussi un des joueurs les plus intimidants en possession de la rondelle de toute la cuvée 2022. Très peu de joueurs de 18 ans patinent avec autant de puissance et d’assurance que Slafkovsky et le plus épeurant c’est que son coup de patin peut encore s’améliorer. C’est le genre d’ailier qu’on ne peut généralement sélectionner qu’en tout début de repêchage et qui pourrait bien devenir le meilleur buteur de sa cuvée, en plus de savoir fabriquer des jeux et d’être difficile à contenir dans le trafic et le long des rampes.

Bien sûr, mis à part le côté gauche de la défense, le CH a des besoins importants à combler à toutes les positions, particulièrement au centre, mais aussi à l’aile gauche sur les premiers trios. Lehkonen est déjà parti, certains départs sont à prévoir bientôt (Byron, Drouin) et les autres ne sont pas encore arrivés (Roy, Harvey-Pinard, Tuch, Farrell, Smilanic).

On conviendra qu’il n’y a pas beaucoup de future superstar dans tout ça…

Mais un très sérieux argument consiste encore à dire que la position de centre demeure la plus importante au hockey. Construire une bonne ligne de centre, est un prérequis pour n’importe quel club qui veut aspirer aux grands honneurs. Les 40 dernières années nous en font la preuve éclatante et c’est peut-être encore plus vrai dans les 15-20 dernières. Et suite à la démolition de sa ligne de centre à l’été 2021, le CH peut-il se permettre d’opter pour un ailier, aussi bon soit-il?

Ayayaye.

Vraiment pas facile comme question!

Mais, même si plusieurs s’entêteront à dire non, la réponse peut-être « oui » à la seule et unique condition que Slafkovsky soit clairement un meilleur joueur de hockey que Wright.

En ce sens, Slafkovsky représenterait certainement un « pari » pour le Canadien. Le repêchage n’est pas une science exacte et personne ne peut prédire l’avenir en toute certitude.

Mais si jamais il le repêche, ça voudra dire que le Slovaque a fait l’objet d’un très, très fort consensus au sein de l’organisation comme étant le meilleur joueur du repêchage, toutes positions confondues.

Ça impliquerait aussi qu’on a pris la décision de donner à Suzuki un autre ailier de premier plan qui, théoriquement, pourrait compléter à merveille le duo qu’il forme avec Caufield. On se rappellera que les essais avec Hoffman, Anderson et compagnie avaient tous été plutôt « ordinaires » au bout du compte…

Slafkovsky pourrait permettre aux deux copains d’exploser et donnerait au CH un VRAI premier trio. Imaginez seulement comment il allègerait la tâche de ses partenaires qui ont besoin de temps et d’espace pour être efficaces…

Enfin, en plus de ses vigoureux replis défensifs, son habileté à transporter la rondelle en zone centrale et à réussir des entrées de zones avec aisance est un autre élément qui ne doit pas passer inaperçu aux yeux du Tricolore. Présentement, en avantage numérique, cette responsabilité repose sur les épaules de Suzuki avec un succès qu’on qualifierait au mieux de très mitigé… Ce n’est pas juste au joueur de centre à effectuer ce travail, c’est à n’importe quel joueur qui en a la capacité et, avec sa portée, ses mains et sa vitesse de pointe, Slafkovsky possède les qualités requises.

Donc, même s’il n’est pas un « centre » Slafkovsky a des attributs absolument uniques dans ce repêchage qui pourraient faire de lui un joueur très spécial. Il est pour ainsi dire un ailier assez complet. Certes, comme pas mal tous les jeunes, Slafkovsky peut encore améliorer son jeu défensif, mais la Slovaquie a peut-être produit son prochain Marian Hossa, sa future grande vedette… C’est du moins ce que semble en penser Forbes Slovaquie.

Juraj Slafkovsky sur la une de Forbes en Slovaquie - Balle Courbe

Quelles sont les chances de se tromper royalement?

Si on se fie un peu à nos comparatifs, et à ce qu’on voit sur la glace, les chances de se tromper royalement en sélectionnant le gigantesque Slovaque semblent assez minces.

On notera que la performance spectaculaire du Slovaque aux J.O. – MVP du tournoi – n’aura pas été un coup du hasard.  Dans une compétition beaucoup plus relevée lors du Championnat mondial face à de nombreux joueurs de la LNH, il a certainement été l’attaquant le plus menaçant de la Slovaquie.

Or, celle-ci, sans être une puissance, pouvait compter sur les services de joueur plus aguerris, dont Tomas Tatar, et ce dernier nous a tout simplement semblé beaucoup moins bon en général que son jeune compatriote lors de nombreux matchs de la Slovaquie.

Même contre la puissante équipe canadienne, Slafkovsky réussissait des sorties et des entrées de zone à profusion grâce à une volonté d’avoir la rondelle, des mains sûres ainsi qu’un coup de patin fluide et puissant. Il n’avait pas juste l’air de survivre. Il avait plutôt l’air de causer du trouble au Canada!

Slafkovsky peut certes encore aller chercher un peu d’explosion dans les jambes et devenir encore plus fort physiquement en général. Mais disons qu’on n’a pas à avoir les mêmes doutes sur des trucs de base comme son équilibre sur patins tel que ce fut le cas pendant de nombreuses années avec Kotkaniemi.

Et même si certains pourraient être tentés de comparer sa progression fulgurante à son année de repêchage à celle de Kotkaniemi en 2018, le Slovaque n’est pas un « projet » comme l’était le Finlandais. Slafkovsky sera assurément une brute physique et un joueur dominant. Il l’est déjà et il a toujours été vu comme faisant partie du top 5 en 2022.

De son côté, à bientôt 22 ans, Kotkaniemi ressemble encore un peu à Bambi… Sa sélection à l’époque en était une que je qualifierais de théorique. En théorie, il allait devenir ce grand joueur de centre dominant. En réalité, les chances que ça arrive sont maintenant quasiment nulles.

Bref, avec ce qu’il nous a montré depuis les Fêtes, le Slovaque ne serait pas un « reach » au 1er rang, un acte de foi, comme a pu l’être Kotkaniemi alors que plusieurs ne le voyaient toujours pas dans le top 10 à l’aube de son repêchage.

Bon, en étant difficile on pourrait trouver des petits défauts par-ci par-là à Slafkovsky, comme par exemple, le trouver à l’occasion un peu brouillon dans sa zone quand son équipe n’a pas la rondelle. Mais dès qu’elle en prend possession, Slafkovsky n’est jamais loin de l’action, se place immédiatement en position de la réclamer et décampe plus souvent qu’autrement avec celle-ci. Bref, je ne pense pas que son jeu défensif effraiera réellement les recruteurs et, brouillon ne veut pas dire irresponsable dans son cas.

Rajoutez à cela que son ardeur au travail est irréprochable et que ses entraîneurs, comme Craig Ramsay présentement avec la Slovaquie, adorent son attitude, et vous avez là un joueur et une personne sur qui vous pouvez compter. Un jeune qui a quitté son pays pour aller évoluer dans de meilleures ligues en Tchéquie et à Finlande dès l’âge de 15 ans, n’a d’autre choix que de gagner rapidement en maturité.

En somme, si on considère que son plafond est au moins aussi élevé que Svechnikov et Rantanen et que son plancher est nettement plus élevé qu’un Nichushkin, les chances de se tromper royalement avec Slafkovsky sont sous cet angle à peu près inexistantes.

Quitte à me répéter, personnellement, si on oublie un peu les comparables plus récents, et sans dire qu’il est un slam dunk pour le Temple de la renommée, je pense qu’on peut même voir certaines similitudes avec Hossa et Jagr.

Ça peut sembler gros, je sais, mais le jeune Slovaque possède tous les attributs pour devenir un des bons ailiers de puissance de sa génération et possiblement devenir une « supervedette », un superlatif que n’hésitent d’ailleurs pas à employer les commentateurs de TSN ces jours-ci…

Quelles sont les chances qu’il soit le meilleur joueur de la cuvée dans 5 ans?

Voilà peut-être la question la plus importante à se poser… mais c’est aussi la plus difficile à répondre!

Considérant son talent, sa force physique, son coup de patin, la qualité de son tir ainsi que sa capacité à s’adapter à une compétition relevée, Slafkovsky se donne plusieurs arguments favorables. Déjà menaçant, voire dominant contre des adultes et des professionnels aguerris sur une scène internationale assez relevée, il n’est logiquement pas très difficile d’avancer qu’il devrait être très bon dans la LNH dans cinq ans. En demeurant en santé et en évitant les blessures, s’il n’est pas le meilleur de la cuvée, il ne devrait vraiment pas être loin…

En tous cas, on ne voit tout simplement pas en quoi ses chances seraient clairement moins bonnes que celles de Wright, Cooley ou Nemec. À tout prendre, elles semblent présentement même bien meilleures que la plupart d’entre eux…

Enfin, si le Canadien ne le repêche pas, les Devils auront un choix facile à faire pour entourer leurs petits joueurs de centre…

Conclusion : Wright ou Slafkovsky?

On est passé très rapidement sur les noms de Cooley et Nemec – on y reviendra peut-être d’ici le repêchage – mais à nos yeux, autant au niveau du talent en général que des besoins les plus criants du CH, ce sont Wright et Slafkovsky qui se démarquent et qui doivent être classés un et deux sur la liste de Hughes, Gorton et compagnie.

Je dirais simplement que Cooley, c’est très bien, mais les comparaisons avec Jack Hughes et Trevor Zegras sont plutôt injustes. Même si on parle de style, on ne parle simplement pas du même niveau de talent. Je le vois encore disponible au 4e rang. Nemec serait mon numéro 3 avec sa vision du jeu qui rappelle celle d’Andrei Markov.

Mais revenons aux choses sérieuses.

Pour le Canadien, la sélection de Wright apparaît peut-être encore comme étant la plus rationnelle sous bien des angles quand on considère à quel point la position de centre fait pitié présentement à Montréal et comment elle est difficile à combler pour n’importe qu’elle équipe de la LNH.

En théorie, compter sur deux pivots qui pourraient un jour être parmi les 15 meilleurs de la LNH – un duo rappelant étrangement Bergeron et Krejci – serait tôt ou tard de nature à replacer sérieusement le Canadien parmi les équipes à surveiller pendant de nombreuses années.  Et je ne classerais certainement pas Wright comme un projet théorique au centre à la Kotkaniemi. Wright est déjà bon et le sera sans doute dans la LNH, quelque part entre Suzuki et Bergeron.

Mais, si Wright peut encore être vu comme le choix rationnel, il ne faudrait surtout pas voir une éventuelle sélection de Slafkovsky comme étant une idée irrationnelle.

Bien au contraire!

Comme la plupart des ailiers complets et dominants, pensons encore à nos comparatifs, Slafkovsky, avec sa capacité à monter la rondelle, tirer, créer des jeux, aller dans le trafic et une volonté d’être le game breaker, joue un peu comme un « joueur de centre ». Ce n’est pas un simple sniper qui se tient surtout en périphérie comme, disons, Patrick Laine.

L’entrevue que le CH aura sans doute avec les principaux concernés pourrait bien sûr être déterminante pour la direction. Mais si Kent Hughes est fidèle à sa philosophie et qu’il choisit le meilleur joueur disponible en fonction du potentiel – peu importe sa position, parce que rien ne presse pour le CH qui en est encore à refaire sa fondation – il pourrait fort bien opter pour Slafkovsky. N’en soyez pas surpris.

En tous cas, même si je vivrais assez bien avec la sélection de Wright, Slafkovsky serait mon choix.

Présentement, n’en déplaise au jeune Ontarien et son affirmation – qui sonnait pas mal apprise par cœur – selon laquelle il est « le meilleur et qu’il mérite d’être repêché premier », le top dog c’est Slafkovsky. En ce moment, avec ce qu’on a vu de lui cette saison, Wright serait incapable de dominer parmi des hommes comme le fait Slafkovsky.

Et, si j’avais à parier, c’est encore Slafkovsky qui selon moi sera le meilleur des deux dans cinq ans.

La réfutation ultime est donc la suivante : si ça prend des joueurs de centre de haut niveau pour gagner la Coupe Stanley, ça prend surtout des joueurs dominants toutes positions confondues.

Slafkovsky est le joueur le plus dominant du repêchage 2022.

Le Canadien n’a qu’à le repêcher.

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