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« Reconstruction » et « meilleur joueur disponible » : deux mythes à déboulonner

Qu’est-ce qu’un mythe?

Le mythe est un récit fabuleux plus ou moins rationnel et cohérent, présentant souvent des personnages ou des objets surnaturels capables d’actes fantastiques. Il vise à répondre à des questions complexes de manière simple en racontant une histoire que l’on finit souvent par croire, plus ou moins consciemment, à force de répétition.

Il comble le vide en ne s’encombrant pas de réalisme.

La boîte de Pandore. La Genèse. Etc.

Ou plus récemment, en publicité et en politique, à travers les slogans « Ouvrez du bonheur » par Coca-cola ou « Make America Great Again » par Trump.

Ce genre de choses.

Comment trouver le bonheur? Buvez du Coke, un liquide brun et sucré apparemment magique.

Comment régler les problèmes de l’Amérique? Votez pour Trump, un genre de nouveau dieu.

Réponses faciles et simples à des problèmes complexes.

Une stratégie efficace depuis des millénaires. L’homme a horreur du vide.

C’est pourquoi déboulonner des mythes est une tâche titanesque!

L’univers mythique du Canadien, des médias et de la LNH

Or, on dirait que l’on nage aussi dans un univers mythique avec la question « Où en sommes-nous avec la reconstruction du CH? »

Réponse simple, magique et étrangement rassurante pour certains : « On en est à l’an deux! »

Il ne suffit que de le répéter un peu partout et tous finissent par y croire!

Et si on demande, qu’est-ce qu’une reconstruction?

Autre réponse simple retrouvée partout : « C’est tout démolir et repartir à zéro! »

Un instant!

Déjà là, voyez-vous que ça ne marche pas de dire que le CH est à l’an deux de sa reconstruction?

À la base, selon cette définition, le CH ne serait même pas en reconstruction et ne l’aurait jamais été!

Hughes et Gorton n’ont pas tout démoli!

Ainsi, plusieurs se contredisent eux-mêmes sans s’en rendre compte quand ils disent que le CH est en reconstruction depuis deux ans en discréditant tout le travail de Bergevin!

Le Canadien et/ou ses nombreuses courroies de transmission que sont nos médias, qu’ils soient traditionnels ou « sociaux », sont excellents pour créer et entretenir plus ou moins volontairement des discours mythiques, truffés de réponses toutes simples et de contradictions, dans lesquels nous baignons au quotidien, sans trop nous en rendre compte.

Suite à mon dernier texte dont le titre a provoqué l’ire de plusieurs sur Facebook (!), j’ai pensé y aller d’une petite analogie (pas très originale, je l’avoue!) de rénovations pour mieux faire comprendre que l’idée répétée ad nauseam que la « reconstruction » du CH ne serait vieille que de deux ans relève d’un mythe pur et simple. De deux mythes en fait.

On va donc commencer par déboulonner ces deux-là avant de s’attaquer au mythe du fameux « meilleur joueur disponible » au repêchage.

Ces reconstructions… qui n’en sont pas!
Déboulonnons d’abord le mythe de la « reconstruction » en tant que tel.

À 99% du temps, les « reconstructions » dans la LNH sont dans les faits des « rénovations majeures » souvent assez complexes.

Tantôt pour des raisons de « culture organisationnelle », tantôt pour des raisons contractuelles compliquées, tantôt les deux, en réalité presque qu’aucune administration ne « sacre tout par terre » et repart à zéro.

Pour une maison démolie puis reconstruite de A à Z, vous en avez 99 qui ne subiront que des rénovations d’ampleur variables.

C’est la même chose avec les clubs de la LNH.

Le cliché ou le mythe de la « reconstruction totale » est un fantasme, une hallucination, un raccourci intellectuel, un lieu commun répété par des perroquets sur la place publique mais qui, dans les faits ne repose sur aucune réalité objective pour l’appuyer.

Même les Blackhawks dans la plus agressive « reconstruction » de l’histoire récente ont dû conserver Seth Jones!

L’Avalanche, les Sabres, les Sens, les Red Wings, etc. ont tous conservé quelques éléments clés du régime précédent.

C’est juste normal étant donné la complexité de la tâche!

Sans surprise donc, dans son histoire récente, le Canadien a fait la même chose dans le cadre de « rénovations majeures » en deux phases.

C’est pour ça qu’en réalité, le Canadien en est plus ou moins à l’an sept (enlevez 2021 si vous y tenez!) de son processus de « rénovations majeures » … et c’est une maudite bonne chose!

Ça veut dire que malgré les apparences trompeuses cette année (blessure de Dach…), il est rendu assez loin dans son processus et qu’il est reste peut-être moins à faire qu’il n’y paraît!

Quand on pense avec l’expérimenté DG des Coyotes Bill Armstrong qu’un processus de « reconstruction » normal dure environ 10 ans, voilà qui devrait rassurer davantage, non?

Alors voilà, pour tous ceux qui contre toute réalité objective persistent à croire que le CH n’est en reconstruction que depuis deux ans et qu’au terme d’un processus de cinq, six ans il aurait des chances de gagner la Coupe, voici une petite analogie toute simple que je vais utiliser en dernier recours!

Une équipe de hockey, c’est comme une maison!

Mettons qu’en 2018 l’ancien propriétaire de votre maison a entamé une importante phase de rénovations.

Pendant trois ans, il y a procédé à quelques rénos majeures au sous-sol, un peu défraichi et magané (Échange de Plekanec et Pacioretty, arrivées de Kotkaniemi, Harris, Suzuki, Romanov, Caufield, Struble, Guhle).

Puis à l’automne 2020, il s’est dit « ok, c’est beau les rénos! »

Il était écœuré de la poussière et venant de réaliser qu’il n’en avait peut-être plus pour très longtemps à vivre, il a décidé de s’acheter du beau stock deluxe pour se faire plaisir.

Une belle machine à café à 3 000$, une belle Harley-Davidson à 18 000$, une télé de 75’, un système de son du tonnerre, etc. (Anderson, Toffoli, Chiarot, Edmundson, Perry, Staal, Merill, Gustafsson)

À son décès quelques mois plus tard, il laisse tout son stock là (congédiement de Bergevin, non sans avoir ajouté Hoffman et Savard et repêché Mailloux et Roy quelques mois plus tôt…).

La fin étrange et un peu triste du règne de Bergevin ne doit pas nous faire oublier ses bons coups dont profitera l’organisation encore longtemps.
(Crédit: Capture d’écran)

Vous achetez donc la maison en novembre 2021 (arrivée de Gorton), pleine de bébelles en tout genre, avec des parties fraîchement rénovées, d’autres défraichies, certaines hors d’usage et quelques idées bizarres.

Très tôt en 2022, vous discutez avec Tendre Moitié (arrivée de Hughes!) et convenez que l’ancien proprio n’a tout de même pas juste fait des mauvais coups, que plusieurs de ses rénos de 2018 à 2020-2021 risquent de vous servir longtemps!

Cela dit, il va falloir vendre pas mal de choses (échanges de Lehkonen, Toffoli, Chiarot, Edmundson, etc.) et apporter d’autres correctifs importants aux sous-sol et au rez-de-chaussée

On devra rénover des murs de fondation tombés en ruine (Weber, Price), changer un stud de place (remplacer Romanov par Dach) et acheter pas mal de nouveau matériel de construction qu’on utilisera en temps et lieu (arrivées de Barron, Slafkovsky, Beck, Mesar, Hutson, Engstrom, Reinbacher, Fowler, Newhook, 2 choix de premières rondes en 2024, etc.).

Vous êtes conscient que vous en avez pour quelques années, mais au moins, une partie de la job était déjà faite et bien faite!

Donc, en toute lucidité et honnêteté, allez-vous dire à vos voisins, en prenant une petite bière de ruelle, que la « reconstruction », ou plus précisément, les rénovations majeures de votre chez vous ont débuté en 2022 ou en 2018?

Gorton et Hughes ont été les premiers à reconnaître qu’il ne partaient pas de zéro! Le petit « break », la tentative ultime de Bergevin pour la saison 2021 ne change rien à l’histoire générale.

Bref, qu’on attribue les travaux à Bergevin entre 2018 et 2020 ou à Hughes/Gorton à compter de 2022, il s’agit de travaux de rénovations majeures de la MÊME MAISON!

Au lieu d’être à l’an 2, ils en sont donc à l’an 6-7 de ce nouveau plan de rénovations majeures de la maison de 115 ans qu’est le Canadien de Montréal!

C’est aussi simple que ça.

Et ça devient déjà pas mal plus réaliste de penser à la Coupe en 2027-2028 de cette façon!

Un autre mythe : « Repêcher le « meilleur joueur disponible! »

Question complexe : Qui doit-on repêcher?

Réponse simple : « le meilleur joueur disponible. Point. »

Tous ne sont pas des Bedard. Pour les autres dont l’écart entre eux est discutable, comment savoir dans l’absolu lequel est le « meilleur joueur disponible »?
(Crédit: capture d’écran)

Il faut aussi en finir une bonne fois pour toute avec cette idée autre mythique, un peu bê-bête et répétée par tous! Assez c’est assez!

Sauf pour les générationnels et autres sure shot superstars, scander « le meilleur joueur disponible » pris hors contexte, c’est comme choisir la « meilleure idée » prise hors de tout contexte : ça ne veut f…ing rien dire!

C’est une super idée de devenir astronaute, n’est-ce pas?

Mais est-ce la « meilleure idée » si je n’ai pas fait mes « maths fortes » au secondaire? Est-ce que ça répond à mes aspirations? À mes besoins?

Or, comme pour n’importe quelle décision humaine, il y a toujours un contexte et des besoins pour les équipes de la LNH.

Et, svp, arrêtons le radotage avec l’idée magique « qu’on aura juste à échanger les surplus aux positions de force » en traitant la chose comme si c’était aussi simple que de troquer des cartes de hockey qu’on a en triple.

On se sait jamais qui sera disponible dans les prochaines années! Personne n’a de boule de cristal!

Par contre, ce que l’on sait, c’est que les équipes offrent rarement leur meilleurs joueurs pour dépanner les autres.

On sait aussi que les besoins organisationnels profonds prennent souvent plusieurs années à être comblés.

Ce sont des faits.

C’est pourquoi au repêchage, quand la crème de la crème est partie ou quand l’écart est très discutable entre les joueurs encore disponibles, les équipes font généralement le choix qui est le plus optimal pour leur organisation et cueillent gratuitement le joueur qui semble le mieux répondre à leurs besoins organisationnels bien documentés.

Les équipes seraient tout simplement irrationnelles de procéder autrement!

C’est exactement ce qu’a fait le Canadien avec Slafkovsky et Reinbacher en 2022 et 2023. Tous deux répondaient à des besoins organisationnels évidents, besoins qui ne sont pas encore complètement comblés d’ailleurs…

L’an dernier, c’est aussi ce qu’ont clairement fait les Coyotes avec le défenseur Dmitry Simashev (6e) et les Caps avec le fougueux attaquant de puissance Ryan Leonard (8e).

Même les Flyers, quand ils ont repêché Matvei Michkov au 7e rang ,n’ont pas juste pensé en termes de « meilleur joueur disponible dans l’absolu ». Ils ont considéré leur manque criant de talent brut, peu importe la taille et la réputation du joueur.

La nuance est importante.

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