Une organisation négligente ou des partisans déloyaux ?

La relation entre une équipe sportive et ses partisans ressemble sous plusieurs aspects à une relation amoureuse. Dans les deux cas, les élans de folies se veulent aussi fréquents que justifiés, l’affection y flirte avec la haine, et les hauts ne sont souvent qu’un prélude aux bas. Celle qui unit le Canadien et les fans montréalais tend à s’effriter depuis quelques hivers. Est-ce le résultat d’une organisation qui prend ses supporteurs pour acquis, ou encore d’un manque de loyauté de ces derniers ?

À coup de hot-dogs à dix dollars, de déceptions printanières et de mouvements de personnel douteux, Geoff Molson et ses acolytes en ont refroidi plus d’un au Québec. Vous pouvez inclure Dan Delmar à la grande liste des exaspérés. Le chroniqueur du Montreal Gazette a consacré son premier papier du mois d’août à la décrépitude du respect que suggérait autrefois le chandail tricolore.

La perte de Markov aura été pour lui la concession à faire en trop. Il remarque d’ailleurs ne pas marcher seul dans ce sentier de la déloyauté, racontant au passage connaître quelques personnes en voie de se débarrasser de leur tatouages de la Sainte-Flanelle, pourtant si fièrement portés il n’y a pas si longtemps. Delmar explique que lorsqu’il était jeune, lui et ses camarades d’antan étaient presque tenus par la loi de prêter allégeance au Canadien… mais que la jeunesse d’aujourd’hui consacre de moins en moins de temps à la télévision. Cela contribuerait à agrandir un fossé déjà prononcé entre l’organisation et son public le plus ciblé.

Mais une situation peut toujours être contemplée sous plusieurs angles, offrant tous une perspective distincte de celle-ci. Les départs des deux Russes les plus chéris de la métropole ont assurément troublé le sommeil de plusieurs. Ceux-ci ont raison de s’offusquer de la situation et pourraient bien demander à Marc Bergevin ce qu’il compte faire de si extraordinaire avec l’argent qu’il a refusé leur accorder. D’autres individus à l’opinion discordante pourraient toutefois se réjouir de ces départs et demander à leur opposants s’il faisait vraiment du sens de consentir à un Markov de 38 ans son contrat le plus lucratif en carrière, et à un Radulov de 50 et quelques points par saison un contrat à si long terme. Les deux questions se posent… et leurs réponses sont difficiles à trouver.

Crédit Photo : USA Today

Les partisans qui ont vu neiger davantage sur le toit du Centre Bell (et du Forum) auront tendance à juger les performances actuelles de l’équipe en fonction de celles d’autrefois. Et ce sans nécessairement tenir compte des changements majeurs qui ont au fil des ans façonné la ligue nationale d’aujourd’hui. Les oreilles du jeune partisan que je fus autrefois ont été maintes fois écorchées par des phrases commençant par la tournure «dans mon temps». Mais à bien y penser, si moi aussi j’avais vécu ce fameux temps-là, ce serait sûrement mes propres vieilles rengaines qui ajouteraient les oreilles des alentours à leur liste de victimes.

Tout comme Delmar, je suis abasourdi du prix que le Canadien chargera cette année à ses détenteurs de billet de saison pour une simple version imprimée. Je comprends également la colère qu’entretiennent certains à l’égard de Bergevin pour avoir laissé filer Subban et Radulov. Cette impatience envers l’organisation, je la trouve même justifiée. Mais je comprends aussi que la ligue nationale comprend 31 équipes qui ont toutes à leur disposition une armée de professionnels dont le travail est d’aider leur formation à soulever un jour la Coupe Stanley. Je comprends que des contraintes monétaires et la perspective du long terme empêchent souvent les dirigeants de transiger comme ils le feraient sur une console PlayStation.

Les partisans du CH pourront toujours choisir entre jalouser les Blackhawks et les Penguins ou se consoler en regardant les Panthers et les Coyotes. Tout est relatif. Tout est une question de perspective. Rien n’est tout blanc, ni tout noir. Toute situation comporte toujours bien plus de côtés qu’une médaille, et il est important d’en considérer le plus possible pour aboutir à un jugement sensé. Le Canadien néglige-t-il ses partisans ? Surement un peu. Certains d’entre-eux ont-ils raison de quitter le navire ? Peut-être bien. L’organisation est-elle plongée dans un gouffre si profond ? Peut-être pas.

Reste que si j’étais Geoff Molson, je cesserais de m’asseoir sur la loyauté des partisans. Marc Bergevin lui en raconté une ou deux sur la loyauté dans le sport professionnel…

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