Les lecteurs fidèles et attentifs savent ce que je pense de la stratégie communication/marketing du CH d’essayer de nous faire entrer dans la tête à grands coups de tapage médiatique, et même de séries télévisées (!), que nous sommes à l’an trois (quatre en 2024-2025?) de la reconstruction.
Du pure délire. Une réécriture orwellienne de l’histoire!
« Combien de doigts voyez-vous, Winston? »
À ce effet, j’étais excessivement heureux d’entendre le toujours très lucide et pertinent Martin Leclerc lors de la ballado Tellement hockey très clairement rappeler à partir de la 37e minute qu’il y avait déjà eu pas mal de travail de reconstruction… avant la reconstruction!
Enfin, un autre qui le dit, qui ose en parler, qui déconstruit le mythe, qui a compris que ce n’est pas parce qu’on répète une idée fausse qu’elle devient vraie!
Merci Martin Leclerc, merci! Alléuia!
AJOUT : Pour clarifier mes propos, voici ma définition d’une reconstruction inspirée par la réalité des différentes équipes dites en reconstruction : « La reconstruction est un processus complexe, à degrés d’intensité variables et sans aucune garantie de succès, par lequel une équipe espère, pendant un certain temps, se donner de meilleures chances de gagner à long terme en repêchant généralement tôt en première ronde et en accumulant les choix au repêchage. Ce processus s’enclenche souvent en perdant des joueurs (retraite, etc.) et/ou en échangeant des joueurs établis ayant encore une valeur, tout en se gardant la possibilité d’en conserver un certain nombre, voire d’en acquérir d’autres, pour laisser mûrir, appuyer ou encadrer les jeunes en développement. »
Si on définit trop étroitement et rigidement la reconstruction comme plusieurs le font en disant que c’est « de vider son club pour finir dans la cave de façon volontaire », on va vite se rendre compte qu’on va exclure à peu près 100% des processus de… reconstruction (!) et qu’on va se contredire à tout bout de champ!
Personne ne vide son club complètement et pendant bien longtemps!
Selon cette définition étroite, les Hawks et les Sharks ne seraient déjà même plus en reconstruction suite aux acquisitions des Teravainen et Bertuzzi à Chicago et des Toffoli et Granlund à San Jose!
Donc, si on accepte la définition plus englobante, nuancée et réaliste que j’utilise, on n’a d’autre choix de voir le « reset on the fly » ou le « retool » de Bergevin entre 2018 et 2020 comme des années de reconstruction « soft », mais des années de reconstruction quand même!
En quatre saison, entre 2018 et 2021, Bergevin a su entre autres accumuler 38 choix de repêchage (la moyenne serait de 28) en échangeant plusieurs vétérans, n’a jamais dépensé jusqu’au plafond, ni sacrifié aucun jeune joueur pour accélérer sa remontée jusqu’aux mois qui ont précédé le début de la saison 2021 qui débuta en janvier.
Le grand décompte!
Maintenant, si on est d’accord avec cette définition, qu’on a dix doigts (ou presque), qu’on sait compter juste un peu mieux que les corbeaux et qu’on remonte à la saison 2017-2018 – qui s’était conclue par une sélection au 3e rang (Kotkaniemi) – on constate que nous en sommes très exactement à une septième saison de reconstruction lors des huit dernières à Montréal!
La preuve chronologique ?
2017-2018 : Le CH est pourri, échange Plekanec aux Leafs pour un choix de 2e tour en fin de saison, repêche 3e, puis échange Pacioretty pour Suzuki, Tatar et un choix de 2e ronde en septembre. Y’a pas photo, ce sont tous des gestes de reconstruction.
2018-2019 : L’équipe ne souhaite qu’être compétitive, mais surprend en saison avec 96 points et manque les séries par deux points dans une Association Est cruellement compétitive. Le CH a été dans le « mix » contre toute attente. Une année comme aurait sans doute aimé connaître le CH cette saison… Les joueurs sont demeurés en santé et plusieurs ont connu la saison de leur carrière ou presque.
On se contente d’acquérir des joueurs de deuxième ordre (Thompson, Weal, Folin, Weise) sans vraiment rien sacrifier en retour. On repêche donc Caufield au 15e rang, un joueur que plusieurs experts voyaient, avec raison, sortir dans le top-10. Caufield devient rapidement une pièce maîtresse du reset on the fly. Difficile de l’exclure de la reconstruction dans son ensemble!
Or, Bettman invente une espèce de tournoi estival bizarre pour faire une passe de cash. Montréal, un gros marché, y prend part, surprend et sort Pittsburgh avant de perdre en première ronde contre Philadelphie. Il repêche donc Guhle au 16e rang, mais aurait normalement dû participer à la loterie pour Lafrenière! Clairement une année de reconstruction un peu contrecarrée par, disons, euh, le Destin?
2020-2021 : Dernière année de contrat de Bergevin qui remplit son club de vétérans et de muscles : Anderson, Perry, Toffoli, Edmundson, Chiarot et Staal. Malgré ses 9 choix accumulés en vue du repêchage de juillet 2021, ce n’est clairement pas une saison de reconstruction dans la tête du DG. C’est un all in. La saison « COVID » de 56 matchs commence donc en janvier. C’est l’année de la « division canadienne ». Le CH, 18e au classement général, se classe une fois de plus en séries par le biais d’une bizarrerie et, à la surprise générale, se rend jusqu’en finale de la Coupe Stanley. Or, ce que 99,8% des gens ont oublié, c’est que les Rangers et les Stars, qui ratent les séries, semblaient avoir de meilleurs clubs que la Flanelle en saison…
Nous connaissons tous la suite. Bergevin quitte. Gorton et Hughes entrent en poste. On échange un paquet de joueurs qui possèdent une certaine valeur et on tank tout en conservant quelques vétérans.
2021-2022 : Slafkovsky au premier rang. Échange pour Dach. Mesar. Beck. Hutson en fin de 2e.
2022-2023 : Reinbacher au 5e rang. Fowler en 3e ronde.
2023-2024 : Demidov au 5e rang. Hage au 21e.
2024-2025 : On fait l’acquisition de Laine, on parle du « mix » presque à la manière d’un autre slogan marketing, on espère du bout des lèvres, mais avec la blessure de Laine, tout indique qu’on repêchera dans le top-10, et le top-5 n’est vraiment pas si improbable une fois de plus!
Et oui, nous sommes donc, en réalité cher Winston, à sept années de reconstruction lors des huit dernières… et il en reste peut-être une autre avant que le sous-marin commence à remonter vers la surface.
Un discours beaucoup moins simple et « marketable », que « nous sommes à l’an trois », on en conviendra!
Mais le marketing, la mise en marché, comme dans Mad Men, c’est exactement ça, des illusions, des « faire-croire », des demi-vérités…
Un show de boucane, en bon français.
Malgré une des finales de la Coupe Stanley les plus bizarres et inattendues de l’histoire en 2021, une finale qui devient un peu l’arbre qui cache la forêt, les traces du reset on the fly, la mini-reconstruction de Marc Bergevin, sont pourtant encore bien tangibles.
Plusieurs des jeunes piliers de l’équipe proviennent directement de cette phase!
Alors d’où vient cette amnésie collective? D’où vient cet aveuglement collectif?
Si, disons, le CH avait repêché Quinn Hughes ou Brady Tkachuk à la place de KK, hésiterait-on autant à établir le début de la reconstruction au printemps 2018?
Pense pas.
Si, disons, le CH n’avait pas légèrement surperformé en 2018-2019, le faisant repêcher Cole Caufield au 15e rang, hésiterait-on autant à l’inclure dans ladite reconstruction ?
Pense pas.
Ensuite, si, disons, le CH avait repêché 8e en 2020, comme il était parti pour le faire avant la bizzarerie de la covid signée Bettman, hésiterait-on autant à établir le début de la reconstruction avant 2022?
Pense pas.
Bref, si on remonte à l’été 2018 avec KK et Suzuki, qu’on voit Caufield comme un top-10 en 2019, qu’on compte 2020 comme un autre top-10 (sans la COVID), puis qu’on anticipe un autre top-10/top-5 dans quelques mois, on en sera donc à un 7e repêchage top-10 ou équivalent top-10 au cours des huit dernières saisons.
Ça nous donne un portrait BEAUCOUP plus juste de l’ensemble de la reconstruction du Tricolore, non?
Mais, il faut le dire haut et fort, c’est un portrait duquel il ne devrait pas avoir honte, car c’est un processus normal pour quiconque ne repêche pas Sidney Crosby et Evgeni Malkin en cours de route…
Cinq, six ans, ce sont des reconstructions records, surtout lorsqu’elles culminent en Coupe Stanley.
Il faut ce qu’il faut et TANT MIEUX si nous sommes à l’an 7 sur 8 de la reconstruction!
Ça veut dire que que les plantes poussent et que l’heure de la récolte approche.
Si on était seulement à l’an trois ou quatre, on étendrait encore du fumier…
La norme pour une reconstruction à peu près réussie, se situe entre 8 et 14 ans, sans aucune garantie de Coupe Stanley, comme on le voit avec les Oilers, 9 ans après le repêchage de McDavid et plus de 13 ans après celui de Ryan Nugent-Hopkins.
Autrement dit, il faut souvent que les premiers acteurs de ta reconstruction deviennent les doyens du vestiaire avant de voir les vrais fruits de ton patient travail.
Vous n’avez qu’à relire Bill Armstrong, ancien employé des Blues de Saint-Louis, vainqueurs en 2019, 11 ans après le repêchage d’Alex Pietrangelo au 4e rang, pour vous en convaincre…