Si je vous disais, ou pire, vous rappelais, que Maxim Lapierre est le joueur de centre repêché sous l’ère Timmins qui a joué le plus de matchs dans la LNH, je ne ferais qu’encourager encore davantage la haine du genre humain, la prise d’antidépresseurs au niveau national, le cynisme généralisé et la théorie du complot.
Mais puisque que mon cœur est amour et que les vacances doivent nous ragaillardir un brin, parlons un peu de Ryan Poehling et de Joni Ikonen, les deux « joyaux » du dernier repêchage de la Flanelle.
Sont-ils ici pour rester?
Sans être un génie de créativité, Poehling incarne l’archétype du joueur de centre complet. Le sens du jeu, le coup de patin, le physique, un bon niveau de talent, tout est là pour aspirer, un jour, de manière très réaliste, aux deux premiers trios. De mémoire, on n’a jamais dit ça d’aucun joueur de centre naturel repêché en première ronde par Trevor Timmins.
Poehling n’a donc rien à voir avec les Chipchura et autres McCarron de ce monde qui nous avaient été présentés avec des aspirations plus modestes.
Poehling est déjà l’un des chouchous de son puissant programme national en vue du prochain championnat mondial junior et, si on veut une référence, son physique, son style de jeu ainsi que son caractère, mais pas nécessairement son talent, rappellent un peu Jonathan Toews.
En prenant en compte la faiblesse organisationnelle au centre, il nous faut déjà en ce moment considérer Poehling comme l’espoir le plus important de toute la franchise. Bien au-delà de Juulsen dont le profil n’est plus du tout unique. Et ne me parlez surtout pas de Scherbak…
Mais pas très loin derrière l’Américain, on retrouve Ikonen. Beaucoup de finesse et de créativité, excellent tir. Il est sans doute la plus belle carte « pas trop cachée » de Timmins depuis la sélection de son compatriote Lehkonen. Son plafond est peut-être même plus haut que celui de Poehling, ça reste à voir.
Déjà dominant à son premier camp de développement à 4 contre 4, performant en compétitions internationales, il sera intéressant de le voir œuvrer à 5 contre 5 en Amérique du Nord, alors qu’il y aura beaucoup moins d’espace sur la patinoire.
On a donc déjà hâte de suivre l’évolution de ces deux jeunes espoirs au centre et surtout ce qu’en fera l’état-major montréalais. Plusieurs autres directeurs généraux les ont sûrement remarqués au plus récent showdown en préparation du prochain mondial junior…
Considérant les besoins pressants de l’équipe, leur réservera-on un sort semblable à Sergachev qui n’aura même pas survécu un an dans l’organisation?
Certainement pas une option à rejeter. Timmins était bien content que la sélection de Sergachev rapporte Jonathan Drouin à l’organisation…
Mais jasons maintenant des vraies affaires.
Que fera Bergevin avec son cap space de 8,4 M$?
Dans une bonne recette de sauce à « spékatti » à la viande, ça prend du porc, du bœuf et du veau. Avec Weber et Price, le Tricolore a son bœuf et son porc, des bons ingrédients satisfaisants, qui font la job, qui assure un minimum de consistance. Mais sans le veau, votre sauce risque d’être un peu quelconque.
Vous me voyez venir, sans joueur de centre de premier plan – et malgré la présence de Galchenyuk et la venue d’un génie offensif comme Drouin – le CH est condamné à demeurer juste ça, une bonne équipe, sans grande saveur qu’on ne prendra pas vraiment au sérieux le printemps venu.
On dit que Tavares, joueur autonome en juillet prochain, est un rêve à Montréal. Soit. Mais quand on observe ça le plus lucidement possible, c’est peut-être le minimum requis pour devenir un aspirant sérieux.
Mais, ne nous mettons pas d’œillères trop vite, il faut quand même analyser les autres options.
Nugent-Hopkins ou Duchene : est-ce que ça vaut la peine?
J’aime bien Ryan Nugent-Hopkins et j’ai défendu l’idée de sa venue à Montréal à quelques reprises par le passé. En théorie, c’est une amélioration considérable sur Danault et Plekanec. Les arguments de Brian Wilde sont bons, lui qui le voit comme l’option la plus réaliste. Son salaire de 6M n’est pas un problème pour Montréal et en est justement un pour les Oilers. Côté hockey, RNH est pris derrière deux jeunes prodiges à Edmonton et se voit alors attribuer des tâches défensives plutôt ingrates et pas vraiment dans ses cordes.
Mais, à mon sens, « The Nuge », avec sa cinquantaine de points annuelle ferait du CH au mieux un aspirant de la trempe des Blues des dernières années. Et ça, évidemment, c’est si Galchenyuk n’est pas inclus dans la transaction et qu’il devient un centre offensif productif, constant et plus fiable en général.
Du côté de Matt Duchene, le Tricolore mettrait ici la main sur un athlète plus explosif que Nugent-Hopkins. Par contre, ce dernier offre un jeu plus complet et présente une attitude irréprochable. Tout compte fait, si on compare la manière dont Duchene ferait progresser le club actuel, c’est peut-être un match nul entre lui et RNH.
À la condition de ne pas inclure Galchenyuk – est possible ? – dans une transaction impliquant l’un ou l’autre de ces deux joueurs, Bergevin pourrait faire du CH une meilleure équipe du jour au lendemain, une équipe plus solide et plus explosive. Ce serait un peu comme si on remplaçait Radulov par un vrai joueur de centre.
Mais considérait-on le CH comme prétendant logique aux grands honneurs pour autant?
Et Giroux, lui ?
Le cas de Claude Giroux est fort intéressant. Les Flyers semblent lorgner du côté de la reconstruction et une action conséquente serait de se départir très bientôt du mirobolant contrat de leur capitaine (8,25 M$) qui approche la trentaine et qui aura 34 ans au terme de son entente en 2022.
2022, tiens, tiens, la fin du nouveau plan quinquennal de Bergevin…
Centre droitier numéro 1, talentueux avec du leadership, pas froid aux yeux malgré son gabarit assez modeste, génie de l’avantage numérique, très performant en séries (62 pts en 63 matchs…), encore théoriquement quelques bonnes années devant lui, francophone qui aurait rêvé être repêché par le CH, franco-ontarien comme le coach…
S’il n’est pas le plan A de Bergevin à l’heure actuelle, c’est un maudit beau plan B.
Mais il soulève aussi son lot de questionnements.
Malgré les blessures qui l’ont affligé jusqu’ici, Giroux est-il capable d’être un des meilleurs centres offensifs de la LNH pour encore 4-5 ans, lui dont les statistiques palissent peu à peu depuis trois ans?
Ses 58 points de l’an dernier étaient-ils le reflet d’une mauvaise saison en général à Philadelphie ou le signe d’un déclin précoce?
Quel est le prix demandé? Sa valeur a certes passablement diminuée l’an dernier, mais un changement d’air pourrait lui être bénéfique.
À première vue, il semble que le Canadien a ce qu’il faut pour plaire à Hextall. Les ajouts de Poehling et Ikonen ouvre des options.
Malgré quelques incidents reliés à l’alcool dont il n’est sûrement pas trop fier, Giroux vaut son pesant d’or.
Sous un certain angle, un échange qui impliquerait Galchenyuk pourrait aussi avoir beaucoup de sens pour les deux clubs.
Par contre, à choisir, si tu peux obtenir RNH ou Duchene – quand même pas mal plus jeunes et moins chers payés que Giroux – sans avoir à donner le #27, c’est un pensez-y bien…
Un Giroux heureux, performant et en santé pour plusieurs saisons pourrait certainement rapprocher le CH d’une Coupe Stanley, mais, prudence, il y a des points d’interrogation ici, et tout dépendrait alors des demandes de Hextall et, dans ce cas, du développement d’un certain Nolan Patrick…
À Tavares de décider
Pour la petite histoire, un certain Karl Alzner était capitaine de l’équipe canadienne junior championne à Pardubice, République Tchèque en 2008 alors que le jeune Tavares en était à la première de ses deux participations au populaire championnat…
Il y a également, à Montréal, un certain Price et un autre individu nommé Weber qui ont remporté quelques petits tournois internationaux en sa compagnie ses dernières années.
Bergevin était un des assistants d’Yzerman lors de la dernières Coupe du Monde et Julien était l’assistant de Babcock.
Le Canadien, voudrait-il se donner un petit look Team Canada?
Vous en faites ce que vous voulez, c’est gratis.
Mais le centre vedette des Islanders qui aura 27 ans en septembre, ne se compare tout simplement pas à aucune des autres cibles potentielles de Bergevin.
Tavares est un véritable joueur concession, un des cinq meilleurs centre de la LNH, autour duquel le CH pourrait bâtir pour les 8 prochaines années en lui octroyant un contrat identique à celui de Price.
S’il est disponible avant la date limites des échanges – donc si les Islanders apprennent dans les prochains mois que Tavares leur dirait adieu à la fin de la prochaine saison – ça pourrait coûter, au bas mot, au moins un joueur établi de qualité (Pacioretty? Galchenyuk ?), un espoir de premier ordre (Poehling?) et un choix de première ronde.
Tout cela en espérant – et idéalement, en sachant à l’avance – que Tavares veuille bien poursuivre sa carrière avec le CH pour plusieurs années, évidemment.
Alors, en ce début de nouveau plan quinquennal et la quasi obligation morale – because it’s Montréal – de dépenser le fric qu’il a volontairement gardé dans ses poches, et avec toutes ces cibles potentielles au centre, que fera Bergevin ?
Que rapportera-t-il de sa pêche en haute mer?
Mon analyse me pousse à croire qu’il se trouve présentement dans un « waiting game » avec 3-4 autres DG.
C’est la décision de Tavares de rester à New York ou non qui déclenchera la suite des choses.
Effet domino à prévoir.
Le DG du Tricolore n’est certes pas le seul à appeler Garth Snow (on regardera du côté de Toronto et Boston, entre autres…), mais, à vue de nez, son club a de quoi plaire à Tavares.
Un rôle de premier ordre dans une organisation prestigieuse, des amis, de bons joueurs avec qui évoluer, les séries quasi assurées annuellement, une possibilité de Coupe Stanley, des fans passionnés, un aréna et des installations de premier ordre, et de l’argent, beaucoup d’argent.
Il ne manque que lui. Le reste ça s’arrange.