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Alexis Lafrenière : Un genre de devoir moral pour le CH

« Le but des Canadiens, compté par le numéro 91, son premier dans la Ligue nationale de hockey, Canadiens’ goal, his first in the NHL, scored by number 91, Alexis Lafrenière! »

Peu importe le bon début de saison du Tricolore et les attentes qui montent par rapport au dénouement de celle-ci, avouez que d’entendre ces paroles prononcées avec l’intonation de Michel Lacroix dès octobre 2020 a de quoi faire rêver n’importe quel partisan de la Flanelle!

Et n’importe quel dirigeant de la Flanelle.

Et n’importe quels investisseur et commanditaire associé à cette même Flanelle, qui soudainement retrouverait un peu de Sa Sainteté.

Molson, Timmins et Bergevin nous ont eux-mêmes tous témoigné ces derniers mois de leur enthousiasme par rapport à la tenue du prochain repêchage au Centre Bell le 26 juin 2020, alors que le club a déjà 12 sélections en banque.

Or, qu’est-ce qui serait plus « enthousiasmant » que de mettre la main sur le meilleur espoir québécois depuis Vincent Lecavalier en plein Centre Bell devant tous ses partisans?

Bergevin ne manque pas une occasion de rappeler qu’il aime prendre des décisions audacieuses. Son palmarès commence d’ailleurs à être assez bien garni à cet effet.  Mais l’acquisition d’Alexis Lafrenière, par voie de transaction, deviendrait assurément son plus gros coup. Un geste qui marquerait profondément l’histoire de la franchise, rien de moins.

 

Un feu à faire renaître
Malgré que le Canadien n’ait pas fait les séries lors de trois des quatre dernières années, la relation que les partisans entretiennent avec le club depuis l’an dernier en est une plutôt sereine, teintée d’un « optimisme modéré ».

Une relation qui n’est pas étrangère à la gestion des attentes exercée par la direction du club. Une relation davantage marquée par la raison, plutôt que par la passion.

Remarquez qu’on peut surfer un bon bout comme ça. La vague est stable et la mer est belle.

Comme Geoff Molson, le propriétaire et partisan #1 de l’équipe, le dit lui-même, on a de bonnes raisons de croire que le Canadien sera très compétitif lors des 7-8 prochaines années.

L’équipe est jeune et, comme on l’a remarqué l’été dernier, la banque d’espoir est objectivement une des plus profonde et talentueuse de toute la LNH. De plus, les quelques vétérans dans la trentaine tirent encore très bien leur épingle du jeu.

Même le club-école va mieux…

Bref, ça va et ça continuera d’aller pour un bon bout.

Mais le Tricolore est-il en symbiose avec sa base de partisans? Fait-il rêver les jeunes? Attire-t-il de nouveaux fans? Soulèvent-ils les passions?

Mouarf…euuhhh…ishhh… disons que ça, c’est beaucoup moins sûr depuis un certain temps…

En général, les jeunes, les futurs acheteurs potentiels de billets, pour les côtoyer de près, ne « trippent pas trop hockey ». Le Canadien n’est pas aussi cool que les youtubeurs branchés et autres instagrameuses de « génie ».

Même l’environnement est rendu plus hotDésolé pour le vilain calembour.

Or, en établissant un lien direct et profond avec les partisans – et même les moins partisans – l’arrivée d’Alexis Lafrenière embraserait la ville et la province entière instantanément. Tout le monde en parlerait.

Mais le plus important pour le Canadien est que Lafrenière – malgré un petit écart de conduite cette semaine à l’endroit d’un arbitre – semble posséder le tempérament et l’attitude pour briller dans un exigeant marché comme celui de Montréal. Les deux pieds sur terre, à la fois calme et passionné par son sport, Lafrenière veut s’améliorer chaque jour en s’amusant. Il voit le hockey comme un jeu. C’est aussi simple que ça.

Lafrenière est un ailier comme on en voit très rarement. Au niveau hockey, le jeune homme de St-Eustache – 6’1 et plus de 200 lbs de talent brut et de caractère – est une espèce de mélange de Peter Forsberg et d’Alexander Radulov. Pour sa part, il disait se comparer et s’inspirer du jeu d’Evgeny Kuznetsov à l’Antichambre au terme de la dernière saison.

Bref, peut-être pas un pur talent générationnel à la Crosby ou McDavid, mais vraiment pas si loin à bien des égards. Il a 51 points en 23 matchs jusqu’ici cette saison, ce qui le compare avantageusement au profil junior de Vincent Lecavalier et le place autour de la barre des 135 points sur une saison de 61 matchs (marquée par un Championnat mondial junior).

Une tentation irrésistible… pleine de bon sens!

Déjà, pour des raisons évidentes, autant du côté hockey que du côté marketing, on s’imagine mal le Canadien ne pas au moins tenter une offre de qualité A1 pour mettre la main sur Alexis Lafrenière.

Pour le dire crûment, vu d’ici, en plein Centre Bell le 26 juin prochain, le Canadien aurait tout simplement l’air fou s’il ne faisait pas une offre sérieuse pour les services du jeune prodige québécois.

Mais le plus intéressant est qu’on n’est pas dans un fantasme sans aucune substance.

Avec un club déjà très jeune, et grâce à ses repêchages fructueux depuis 2016 qui lui permettent aujourd’hui de compter sur une banque d’espoirs de qualité, aussi profonde que diversifiée, le Canadien est dans une position où il peut se permettre de sacrifier plusieurs choix au repêchage et quelques-uns de ses fameux espoirs.

À moins qu’il ne vide sa banque de choix et d’espoirs pour de l’aide immédiate d’ici la date limite des transactions en février – pas dans les habitudes de la maison! –  le Canadien a clairement ce qu’il faut pour, à tout le moins, faire très, très sérieusement réfléchir les vainqueurs de la prochaine loterie.

Pour débuter, il aurait trois choix à offrir dans les 62 premiers sur le plancher du Centre Bell l’été prochain. Ça ouvre des options! Il pourrait aussi ajouter son premier choix de 2021 dans l’équation au besoin, si ça peut faciliter les négociations.

L’histoire eut été différente il y a quelques années alors que McCarron et Scherbak trônaient tout en haut de la liste avec Juulsen, Hudon et Reway pas trop loin derrière…

Qui seriez-vous prêt à laisser partir?
C’est bien beau rêver à Lafrenière, mais il faut donner pour recevoir et dans un cas comme celui-là il faudra donner beaucoup. Les autres clubs vont même attendre Bergevin en se frottant les mains…

Certains choix seraient déchirants et il faudra aussi réaliser que le joueur clé d’une telle transaction ne saurait être le choix de première ronde qui ne s’annonce pas pour être dans les 15 premiers.

Mise à jour : Quelques semaines après l’écriture de cet article, la chaîne a débarquée suite aux blessures de Drouin et Byron! Huit défaites en ligne and counting... Ce premier choix pourrait bien être dans les 15 premiers finalement! S’il ne devient pas carrément Lafrenière, il aura néanmoins beaucoup de valeur si on veut l’offrir dans un « package » pour le Québécois…

C’est ici qu’il faut garder en tête le mandat de Marc Bergevin qui est tout simplement d’améliorer le club quand il peut le faire.

Qu’est-ce que Bergevin serait prêt à céder pour mettre la main sur Alexis Lafrenière, un joueur quasi générationnel, sans faire régresser son équipe, à court, moyen et long terme?

Un premier estimé à peu près lucide respectant le mandat de Bergevin et les intérêts des autres DG nous situerait probablement autour de ceci, mais ça pourrait être plus :
– Un jeune joueur talentueux de la LNH
– Un espoir d’excellente qualité sur le point d’entrer dans la LNH
– Un choix de première ronde
– Un choix de deuxième ronde

Pour le dire simplement, pour accueillir Lafrenière, en plus de deux hauts choix de repêchage, seriez-vous prêt à laisser partir l’équivalent de deux jeunes joueurs parmi les suivants : Kotkaniemi, Suzuki, Domi, Romanov, Primeau, Poehling et Caufield?

À moins avis, en fonction de son mandat, il y a des combinaisons que Bergevin refuserait alors que d’autres pourraient lui sembler acceptables. Même chose pour son homologue.

Par contre, une offre dans laquelle au moins deux de ces joueurs ne seraient pas inclus ne saurait probablement pas faire réfléchir l’autre DG bien longtemps…

(Crédit: Twitter (capture d’écran) : Seriez-vous prêt à lui dire au revoir?

 

Et si ça ne marche pas?
Bref, tout dépendant des besoins, des intérêts et de la structure organisationnelle de l’équipe qui aurait la chance de repêcher Lafrenière, le Canadien semblerait théoriquement en mesure de les satisfaire.

Choix au repêchage? Check.

Jeune(s) joueur(s) avec beaucoup de potentiel déjà dans la LNH? Check.

Espoirs prometteurs de premier plan à l’attaque, en défense, dans les buts?

Check. Check. Check.

Le CH a des surplus partout. Il est en position de force et serait en mesure de transiger plusieurs atouts sans nécessairement faire de trou dans son organisation.

Bien sûr, l’histoire récente et moins récente nous indique que les premiers (ou deuxièmes) choix au repêchage sont plutôt difficiles à obtenir par voie de transaction le jour même.

Les clubs ont, pour employer un euphémisme, plutôt tendance à conserver leur choix!

Mais, dans un contexte bien différent, l’échange de Lindros par les Nordiques de Québec nous montre que ce n’est pas impossible.

Lindros a coûté toute une beurrée au Flyers en rétrospective. Mais Lindros était un talent générationnel, donc, théoriquement, supérieur à Lafrenière. Les Flyers, qui ont été une puissance pendant plusieurs années grâce à lui, ont passé très près de remporter la Coupe en 1997. Dommage pour les commotions et une triste fin de carrière…

Bref, tout le monde a son prix et ce qui est à la fois exceptionnel et intriguant, c’est que le Canadien serait en mesure de légèrement « surpayer » pour Lafrenière sans nuire à son présent ni à son futur, bien au contraire.

Un talent offensif de ce calibre et un joueur aussi solide, aussi complet, est peut-être bien ce qui manque le plus à l’organisation afin d’aspirer aux grands honneurs.

Mais, dans la très plausible éventualité qu’une offre alléchante du CH soit refusée le 26 juin, Bergevin et Molson auront toujours le beau jeu de dire – comme ils le font très souvent d’ailleurs – qu’ils étaient dans le coup, qu’ils ont fait une proposition TRÈS sérieuse à M. Chose et que ce dernier a refusé après une pénible réflexion.

Ainsi, le Canadien ne perdrait pas la face.

À partir de là, soit il continue à surfer en gardant le cap avec ses espoirs et ses 12 choix au repêchage – ce qui n’est peut-être pas plus mal – soit il nous sort un plan B pour faire un autre coup d’éclat devant ses partisans.

C’est une situation win-win, à la condition que le CH fasse au moins une offre digne de mention… Et, pour ceux que ça inquiète, Lafrenière ne sera pas un autre Louis Leblanc…

Un genre de devoir moral
Emmanuel Kant, grand philosophe allemand du 18e siècle, estimait qu’il s’agissait d’un devoir moral que de venir en aide à notre prochain quand on était en mesure de le faire. De façon tout aussi impérative, il établit qu’il fallait traiter les autres et soi-même toujours avec le plus grand respect.

Par analogie, considérant tout ce que représente le Canadien pour la nation québécoise au plan social, politique et économique, tenter le coup pour Lafrenière quand il est parfaitement en position de le faire représenterait ainsi un genre de devoir moral du Tricolore envers ses partisans et envers lui-même.

Si, comme l’a souvent rappelé Geoff Molson, le Canadien appartient, au fond, à ses partisans, une tentative sérieuse pour acquérir Lafrenière serait la plus belle marque de respect que l’organisation pourrait leur offrir.

Elle honorerait en même temps sa propre histoire.

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