Canadiens: certains médias n’envoient plus systématiquement un journaliste sur la route

J’ai souvent évoqué depuis le début de la saison du Canadien à quel point la reconstruction pouvait être difficile pour plusieurs entreprises liées au CH.

Les partenaires télé et radio en souffrent ; alors que le club était au plus creux il y a quelques semaines, moins de 400 000 personnes (moyenne à la minute) regardaient les parties sur RDS et TVA Sports.

Il faut savoir que ces deux médias payent plusieurs dizaines de millions $ par saison afin de pouvoir présenter des matchs du Tricolore et qu’à 375 000 personnes par match devant l’écran, l’exercice est loin d’être rentable.

Quand tu rencontres une compagnie ou une agence de pub, tu lui vends des spots pour 500 000 personnes, mettons… et quand tu n’en atteins même pas 400 000, tu dois rembourser le client ou donner de la pub équivalente ailleurs dans la grille. Mais pas le dimanche à 6h12 quand personne n’est à l’écoute…

Les médias écrits – autant traditionnels que sur strictement numériques sur le Web – vivent également pour une très grande majorité une baisse de trafic en lien avec le Canadien. Le camp était intéressant… et le retour de Patrik Laine l’est tout autant actuellement ; sauf qu’entre les deux, ça a été plutôt difficile.

D’autant plus que les réseaux sociaux débordent d’informations gratuites pour le partisan désormais…

Pendant ces temps plus difficiles, on m’a confié qu’au moins deux médias francophones avaient décidé de ne pas envoyer de journaliste(s) sur la route lors d’un match du CH. J’en ai d’ailleurs parlé cette semaine au podcast Stanley25.

Rappel : les journalistes anglophones avaient déjà commencé à déserter les galeries de presse.

Il y a 10 ans, un tel scénario aurait tout simplement été impensable…

Sauf qu’on est en 2024 et que le milieu médiatique subit une véritable révolution. L’opinion pogne plus que la nouvelle (et elle coûte moins cher à produire) et les médias alternatifs ont grugé beaucoup de place jadis occupée strictement par les médias traditionnels.

Les gestionnaires chez les différents médias doivent composer avec une décroissance/survie et des budgets beaucoup plus serrés. Surtout lorsque leur média n’est que très peu ou pas du tout subventionné…

Envoyer quelqu’un à Columbus pour un court voyage d’un seul match (avion, deux nuits à l’hôtel, salaire d’un journaliste, per diem, etc.) est parfois difficile à défendre au niveau financier. Et ce l’est aussi au niveau logistique, quand le club joue à Montréal la veille. C’est pourquoi certains médias n’ont pas envoyé personne en Ohio le 27 novembre dernier, selon mes sources…

Il y a aussi la nécessité de diminuer notre empreinte carbone selon la philosophie de certaines boîtes médiatiques québécoises. Quand la section opinion ou actualité de ton média pousse constamment ce thème à ses lecteurs, il est normal de voir la section sportive diminuer ses voyages…

Avec les matchs qui sont diffusés en haute définition sur nos télés (notamment en 4K sur Amazon Prime Video les lundis soir) et les points de presse qui sont présentés en direct sur les réseaux sociaux des Habs, les journalistes de certains médias ont besoin de préparer une grosse liste d’arguments pour convaincre leur patron de prendre la route. Et ça en dérange plusieurs…

Au niveau purement business, un boss doit se dire que sortir 4 000 ou 5 000 $ pour un voyage d’un match à Columbus sera rentable avant de l’autoriser. Or, si le journaliste ne fait que récolter les mêmes informations qu’il y a de disponibles en ligne – ou qu’il refuse de sortir ce qu’il voit ou entend lorsqu’il se trouve près de l’équipe -, il est difficile de justifier une telle dépense. Surtout quand les téléspectateurs, les auditeurs ou les lecteurs sont moins au rendez-vous qu’avant…

L’autre problème, c’est que le 14 novembre dernier, le Canadien avait déjà prévu dormir au Minnesota après son match, puis rentrer à Montréal le lendemain, après s’être entraîné là-bas.

Plusieurs journalistes ont donc passé une journée de plus au Minnesota – avec les dépenses qui viennent avec – et ils ont vu le Canadien annuler l’entraînement ET la dispo média d’après.

Les journalistes qui étaient là d’abord et avant pour prendre des clips dans le vestiaire ont donc dû rentrer en ville les mains vides. Et ça, ça a dérangé plusieurs personnes du côté média.

Prolongation

Un ancien patron d’un (très) grand média m’a dit mardi que bien souvent, il envoyait des journalistes sur la route pour suivre les activités du Canadien, mais qu’au final, 98 % de ce qu’ils allaient chercher comme informations, ils auraient pu l’avoir de Montréal.

L’univers médiatique – surtout sportif – est devenu une business. Revenus, dépenses, profits (ou pertes)… c’est comme ça que les big boss pensent désormais.

Et on doit se poser une question en tant que société : doit-on vraiment subventionner le journalisme ?

Oui, notamment pour le journalisme d’enquête…

Mais le journalisme sportif de type « sur le beat du Canadien » ?

Je n’en suis VRAIMENT pas aussi certain. Il me semble qu’il y a des domaines beaucoup plus importants dans lesquels mettre notre argent collectif, non ?

Prenons exemple sur BPM Sports : la station vient de connaître un sondage d’automne impressionnant… et elle n’envoie personne sur la route. Elle couvre le Canadien sur place lorsqu’il est à Montréal ou à Brossard, mais sur la route, elle se fie aux réseaux sociaux. Et à leurs collaborateurs qui y vont (payés par leur employeur #1).

L’avenir est au numérique.

En fait, non : le présent est au numérique. Malheureusement ou heureusement…

PLUS DE NOUVELLES