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Analyse du choix de Reinbacher : Pour gagner, le CH veut miser sur la meilleure défensive du circuit

Comme plusieurs, j’aurais été très emballé – peut-être un peu surpris, mais emballé – que le Canadien repêche Matvei Michkov mercredi soir dernier.

Mais dans ma tête, même le scénario qu’il échange son rang de sélection était plus probable qu’il ne le repêche, comme je l’écrivais ici dans mon mock draft.

Mais comme j’avais pris soin de le préciser :

Si jamais aucune offre intéressante n’était venue de la part des Caps, des Wings ou de toute autre équipe, le CH se serait tourné sans aucun regret vers le grand défenseur droitier autrichien David Reinbacher, le meilleur défenseur de l’encan 2023. Ce scénario demeure peut-être encore très plausible, voire le plus réaliste, surtout si Hughes n’est pas intéressé à Michkov outre mesure.

Comme anticipé, le Canadien a donc finalement opté pour le scénario le plus probable, celui où il en arriverait à une conclusion négative sur le jeune russe et où il n’allait pas recevoir une offre assez convaincante pour céder son rang au 5e échelon.

Ç’aurait été quoi une offre assez convaincante?

Une offre qui aurait eu plus de valeur globale en moyen et long terme que l’opportunité de repêcher David Reinbacher.

La passion brulante des fans

Je suis sensible à l’émotion des fans et sans ces fans passionnés, aucun sportif professionnel et aucun propriétaire ne s’en mettraient plein les poches.

Mais quand l’émotion se transforme en passion démesurée, elle tourne souvent en aveuglement.

Quand vient le temps de repêcher un jeune joueur appelé à remplir un rôle de premier plan, je n’embarquerai donc jamais du côté des arguments qui disent,  « par respect pour les fans, ils auraient dû prendre Untel », comme je l’ai entendu à répétition depuis quelques jours.

Oui, les fans paient très cher, veulent un divertissement, exigent qu’on tienne compte de de leurs goûts, préférences, parfois mêmes de leurs valeurs morales comme dans le dossier Logan Mailloux.

Mais dans quels autres domaines sérieux laisserons-nous des non spécialistes, pour ne pas dire des incompétents finis, dicter les décisions qu’on devrait prendre en haut lieu?

Bon, en chœur avec votre meilleur ami Platon, vous allez me dire « en politique »!

Et vous aurez parfaitement raison! Je vais vous envoyer votre DEC par la poste!

Mais justement, on a beau dire pour être cute, en s’appuyant même sur des élan poétiques de Geoff Molson, que « le Canadien est l’équipe du peuple », que ses vrais propriétaires ce sont les fans, etc., mais le CH comme les 31 autres équipes de la LNH est avant toute chose une entreprise privée.

Les entreprises privées, ou les institutions publiques sérieuses, que ce soit des prestigieuses firmes d’investissement, des boîtes de marketing d’avant-garde, des restaurants Michelin, ou encore, des hôpitaux et des universités, ne sont généralement pas des démocraties! Ce sont des aristocraties et/ou des méritocraties qui sont menées par des gestionnaires qualifiés qui embauchent les meilleurs professionnels qu’ils ont pu rassembler dans le domaine.

Elles ne sont pas menées par Pierre-Jean-Jacques qui écrivent des commentaires puérils et qu’un certain Bob Gainey a jadis surnommé les gutless bastards, comme celui-ci tiré au hasard :

Je connais popcorn redenbacker au fait 22 pts en 46 parties ça fait dur Le ch ou il s’en va je sais au tournoi peewee deQuébec

On peut ne pas aimer le choix de Reinbacher, on peut ne pas être d’accord avec les décisions de Hughes, Bobrov et Gorton tous les jours de la semaine et deux fois le dimanche, mais dans le dossier très complexe impliquant Michkov, le CH a pris une décision professionnelle basée sur une tonne des données auxquelles très peu de nous avons accès.

Nick Bobrov lui-même n’a-t-il pas déjà travaillé pour le SKA Saint-Pétersbourg et son propre père n’est-il pas toujours recruteur pour cette même équipe?

Peu importe nos fantasmes et ce que les dirigeants de la Flanelle auraient dû faire selon nous, c’est ça la réalité : au bout du compte, les décideurs du CH, en ayant en tête l’équipe qu’ils veulent construire (on y reviendra plus bas), ont préféré repêcher le meilleur défenseur de l’encan que l’attaquant le plus talentueux encore disponible.

L’avenir nous dira s’ils ont eu tort ou non.

À qui comparera-t-on Reinbacher?

Bon, cela dit, même si je suis assez souvent d’accord avec Mathias Brunet (Quinn Hughes, Juraj Slafkovsky, Lane Hutson, par exemple) et même si je veux bien essayer à mon tour de réduire la quantité de fiel déversé sur l’organisation et le jeune Reinbacher depuis mercredi soir, je trouve cependant que le chroniqueur de La Presse a poussé le bouchon un peu loin lorsqu’il a affirmé :

« Pour être juste envers David Reinbacher, il ne faudrait pas le comparer à Michkov, mais à ce qu’un cinquième choix au total peut devenir. »

À ce que je sache, un 5e choix au total peut devenir des centaines de choses, tout comme un 7e choix au total à ce compte-là!

Il n’y a pas de limite absolue pour l’excellence ou la médiocrité qui serait prescrite par un rang de sélection!

Pourquoi serait-il plus pertinent et plus juste de comparer Reinbacher à Elias Pettersson repêché 5e en 2017 ou Luke Schenn, au même rang en 2008, plutôt qu’à Matvei Michkov sur qui ils ont, à tort ou à raison, levé le nez en 2023?

Désolé Mathias, sûrement une petite déformation professionnelle, mais au niveau de la pertinence, le prof de philo en moi ne la comprend pas celle-là! Ça ne t’arrive heureusement pas trop souvent! (Clin d’oeil).

On a toujours comparé les joueurs repêchés par le CH aux joueurs qu’il n’a pas repêchés la même année, surtout ceux qui ont été sélectionnés juste après eux!

That’s the name of the game!

On pourra lui trouver des comparables jusqu’en 1970 si on veut, mais on comparera toujours à bon droit Reinbacher à Michkov. Les décideurs du Canadien ne s’attendent à rien d’autre de toute façon.

Ils savent qu’au niveau du talent, ils ont choisi de passer par-dessus un petit attaquant très spécial qui en faisait rêver plusieurs.

À la place, ils ont plutôt opté pour celui qui, à leur yeux et aux yeux d’au moins 95 % des équipes, était le meilleur défenseur de la cuvée 2023.

C’est un choix tout à fait défendable en soi. On n’a pas besoin d’en rajouter.

Ou si on y tient, aussi spécial puisse être Michkov, des petits attaquants talentueux imparfaits, ils en avaient déjà quelques-uns dans le système, alors que des défenseurs droitiers complet avec un réel potentiel de # 1 mesurant 6’2, bientôt 200 lbs, ils n’en avaient aucun.

Hutson sera un défenseur offensif dominant, mais il aura besoin d’aide à ses côtés pour l’aspect défensif du jeu.

 

Laissons donc simplement la chance au coureur, faisons-le de bonne foi, dans le respect, et si possible en préservant notre jugement quasi définitif, pour au moins quelques années, disons au moins 5 ans.

Mais, je sais, c’est beaucoup demander à un cœur qui bat…

Le Canadien veut construire quelque chose de spécial à la ligne bleue

Ahhhh, le fameux (faux) dilemme entre choisir le meilleur joueur disponible et choisir en fonction des besoins!

« Il ne faut JAMAIS choisir en fonction des besoins tôt dans le repêchage! C’est un hérésie! »

Voilà qui résume en gros LA bonne chose à faire de façon définitive selon plusieurs, comme si une option excluait automatiquement l’autre.

Mais à 99 % du temps, les équipes considèrent toujours toujours les deux côtés de la médaille, surtout quand un joueur comporte sa part de drapeaux rouges, autant pour des raisons sur glace que hors glace.

Je suis donc tout à fait d’accord avec Arpon Basu, lorsqu’il dit qu’il faut absolument considérer le concept de « construction d’une équipe » au repêchage, et donc, forcément, les besoin organisationnels.

Toutes les équipes le font dans une certaine mesure.

Bob Hartley ne dit rien de bien différent lorsqu’il dit qu’un club de hockey c’est comme un casse-tête ; pour gagner, il faut placer les bonnes pièces au bon endroit.

Ce que sous-estiment encore plusieurs fans et observateurs plus ou moins éclairés, le repêchage demeure un excellent moyen, voire le moyen par excellence de trouver ces bonnes pièces!

Gratos en plus!

Comme l’a rappelé à juste titre Nick Bobrov dans son point de presse, les défenseurs complets au potentiel de #1 comme Reinbacher sont très rares autant au repêchage que sur le marché. C’est souvent ce genre de joueur qui lorsque qu’on les ajoute au casse-tête finissent par faire la différence :

It’s no mystery to anyone how difficult it is to acquire certain assets and what it takes to acquire them,” Bobrov said. “We all watched the playoffs, and for two months of the year, we get reminded what works and what wins that maybe we tend to forget for 10 months, and we get reminded again. So we felt that David, given what he’s done this year and last year, in fact, his growth, his potential are very, very intriguing and extremely difficult to obtain.

Je relis ce passage et je ne peux m’empêcher de penser à Alex Pietrangelo, 4e choix au total en 2008, chèrement acquis par les Golden Knights sur le marché des joueurs autonomes et vainqueur de deux Coupe Stanley.

Il faut donc y penser à deux fois avant de ne pas les sélectionner quand ils sont disponibles.

C’est juste qu’au repêchage on doit procéder en y allant de projections plutôt que par voie de transaction ou par le biais du marché des joueurs autonomes où l’on sait un peu plus exactement ce que l’on obtient.

Le problème c’est que, les projections, le fan moyen n’aime pas ça.

Pourquoi?

Parce que le fan moyen est par définition un « Thomas » qui n’a pas vu jouer les jeunes espoirs ou si peu et qui ne croit pas tant qu’il ne voit pas.

Si on ose lui dire que selon les observations des experts sur le terrain, ou selon tel modèle statistique d’ autres experts comme Thibaud Chatel, le joueur X pourrait bien devenir un défenseur élite de première paire, le fan moyen va donc dire  « ya encor rien prouver d’an la NHL Chose Popcorn ».

C’est plus fort que lui, le fan moyen est systématiquement contre les décisions qui ne vont pas dans le sens de son opinion basée sur ses premières impressions, ses préférences, ses intérêts, ses préjugés et un paquet de lieux communs mille fois répétés et entendus dans les dernières semaines.

Exactement comme pour Shane Wright l’an dernier.

La future meilleure défensive du circuit?

Mais si on essayait deux minutes de se placer dans la tête des dirigeants-experts du CH qui tentent de construire un « club prétendant, bon pour longtemps », comme le claironne Kent Hughes, qu’est-ce que ça nous donne, comme analyse?

Eh bien, dans leur position, à partir de ce qu’ils ont hérité, je ne vois pas beaucoup de meilleurs moyens pour construire un tel club que de mettre en place une défensive moderne digne d’un club gagnant.

Une défensive mobile, talentueuse et costaude qui compte sur tous les bons morceaux au bon endroit, une défensive qui leur donnerait à terme un avantage compétitif sur 95 % des autres clubs à la ligne bleue, à commencer par ceux de leur division, une défensive qui pourrait ressembler étrangement à celle des Golden Knights, justement, un club qui ne comptait aucun marqueur de plus de 70 points la saison dernière…

Projetons-nous donc juste un petit peu dans le temps et imaginons réalistement à quoi ressemblera la défensive du Tricolore lorsque ses six principaux espoirs à la ligne bleue atteindront une belle maturité.

David Reinbacher : Hyper polyvalent, possède toutes les qualités pour devenir le défenseur #1 du club d’ici quelques années et jouer 25 minutes par match au besoin en s’activant dans toutes les phases de jeu. Potentiel d’une cinquantaine de points tout en étant une pieuvre en défensive.

Lane Hutson : Spécialiste de l’avantage numérique, expert en relance, en contrôle et en montée de rondelle, 4e attaquant pratiquement à chaque présence à 5 contre 5. Peut jouer sur une première paire avec un défenseur un peu moins offensif, brillant défensivement et plus costaud. Aura un impact immédiat à son arrivée avec le club qui pourrait être aussi tôt que le printemps prochain. Potentiel de 60-70 points.

Kaiden Guhle : Excellent défenseur de 2e paire, assez polyvalent, peut surprendre offensivement avec des belles percées au filet et un tir dévastateur. Grande utilité à 5 contre 5, robuste et futur spécialiste du désavantage numérique. Un guerrier difficile à affronter, mais qui doit apprendre à rester loin de l’infirmerie en dosant mieux ses énergies et en choisissant davantage ses batailles. Potentiel de 30-35 points dans un tel rôle.

Le bon Kaien devra apprendre à demeurer en santé, un défi pour lui à chaque saison depuis son repêchage.
(Crédit: capture d’écran)

Logan Mailloux : Très bon défenseur offensif de deuxième paire, belle robustesse, mais doit lui aussi mieux choisir ses batailles pour demeurer en santé. Peut évoluer en avantage numérique et doit jouer avec un partenaire plus intelligent que lui défensivement à 5 contre 5. Potentiel de 35-40 points dans un tel rôle.

Arber Xhekaj : Excellent défenseur de troisième paire. Un guerrier, grand frère protecteur de l’équipe. Spécialiste du désavantage numérique, mais peut surprendre grâce à de belles qualités offensives (lancer, patin, mains). Doit continuer à garder son jeu simple à 5 contre 5 et choisir ses batailles pour demeurer en santé. Peut jouer dans le top-4 au besoin grâce à une polyvalence appréciable. Potentiel de 25 points dans un tel rôle.

Justin Barron : Excellent défenseur de troisième paire, peut contribuer offensivement et jouer dans le top-4 si nécessaire. Doit continuer à améliorer son positionnement défensif et sa prise de décision. Potentiel de 25-30 points dans un tel rôle.

Imaginez tous les joueurs de cette défensive dans leur prime d’ici quelques années.

Voyez-vous beaucoup d’équipes avec un aussi beau profil à la ligne bleue dans la LNH au cours des 3 à 10 prochaines années?

Voyez-vous comme moi une défensive avec un potentiel quelque peu hors norme?

Bien sûr, en ne choisissant pas Michkov on a théoriquement sacrifié de l’offensive.

Mais, comme en font foi de façon éclatante les cinq plus récents vainqueurs de la Coupe Stanley (les Capitals, les Blues, le Lighning, l’Avalanche et les Golden Knights), les clubs champions sont en général des club bien balancés entre la défense et l’attaque.

Moyennant quelques ajustements et rajouts à l’avant en temps et lieu, je crois que cet équilibre est tout à fait atteignable à Montréal d’ici quelques années, surtout si la défensive participe à l’offensive comme elle en a le potentiel.

Après l’ajout de Pietrangelo, les Golden Knights ont réévalué leurs besoin et sont éventuellement allés se chercher un Jack Eichel  pour se donner un peu plus de mordant à l’attaque.

Chaque chose en son temps.

Un surplus? Pas de problème!

J’ai choisi de ne m’attarder plus haut qu’aux six jeunes défenseurs de l’organisation démontrant le plus de potentiel. J’en ai donc omis plusieurs et je n’ai même pas inclus les vétérans Matheson, dans son prime présentement, David Savard, toujours efficace malgré une perte de mobilité au fil des ans, et Edmundson, que l’on a justement échangé hier contre des choix de 3e et 7e ronde.

Pour un, le Matheson de l’an dernier, celui qui a enfin connu sa véritable éclosion dans la LNH avec une projection de 14 buts, 58 points sur 82 matchs, vaudra très cher s’il continue à jouer de la sorte!

Encore sous contrat pour trois saisons et venant d’atteindre son apogée à 29 ans, Matheson pourrait tout aussi bien prolonger son séjour avec le club de son enfance dans un rôle de grand frère ou être échangé en cour de route contre de la grosse valeur à l’attaque.

Matheson était l’un des défenseurs les plus sous-estimés de la LNH l’an dernier.
(Crédit: Capture d’écran)

Si on décide de le garder, on pourra procéder à une ou des transactions avec certains jeunes.

Par exemple, si on apprécie la présence du vétéran Matheson au sein du groupe, on aime son patin et son offensive supérieure à la moyenne sur une première ou une deuxième paire, et on pense que Kaiden Guhle est peut-être trop à risque côté blessures, il pourrait être le prochain sacrifié à la Romanov avant que sa valeur ne baisse.

Ou peut-être que ce sera plus modestement un Harris, un Struble, un Xhekaj, un Barron, un Mailloux ou un Engstrom qui quittera ou qui quitteront, mais le retour serait peut-être alors moins grand.

Qu’importe. Vous comprenez l’idée. Comme on l’a vu encore hier avec le spectaculaire contrat de Dimitri Orlov, tout juste acquis à fort prix par les Bruins en cours de saison avant de signer en Caroline, les bons défenseurs valent très cher et le CH en a déjà un surplus qu’il commence à peine à monnayer, comme ce fut le cas avec Romanov (éventuellement pour Dach) et Edmundson.

Donc, faut pas trop s’en faire avec la petite carence en attaque que l’on perçoit encore, quand ce sera le moment d’aller chercher un top gun à l’avant, Hughes aura de belles ressources assez rares à offrir en défensive.

Le reste du repêchage?

En gros, on a joué aux dards chez les gardiens en en ciblant trois. Avec le côté droit de la défensive, c’était l’autre grand besoin organisationnel à combler. Jacob Fowler semble montrer un certain potentiel et une personnalité à l’avenant pour jouer à Montréal, mais on ne s’aventurera pas plus loin pour l’instant.

Pour le reste des choix du CH, rien pour écrire à sa mère, sauf peut-être à celle des frères Xhekaj.

On en saura sans doute davantage sur quelques-uns d’entre eux à la fin du camp de développement auquel j’assisterai mardi.

On reconnecte bientôt!

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