Après les positions 12 à 10 où l’on a successivement analysé le gardien Jacob Fowler, ainsi que les défenseurs Logan Mailloux et Arber Xhekaj, c’est aujourd’hui au tour de deux autres défenseurs, Justin Barron et Adam Engstrom, de passer à l’examen.
On notera qu’ils ont tout juste devancé Mailloux et Xhekaj et que la « différence » entre les quatre défenseurs demeure très discutable à bien des égards.
On s’entend tous qu’on n’est pas dans une science exacte comme le Monopoly (!) où l’on sait très bien que les « oranges » sont les propriétés sur lesquelles on a le plus de probabilités d’atterrir et qu’il faut ultimement chercher à acquérir si on veut augmenter nos chances de gagner la partie!
C’est prouvé par une simulation par ordinateur sur 32 milliards de coups de dés!
Qu’à cela ne tienne, puisqu’on n’a pas encore trouvé le moyen de simuler aussi précisément les carrières dans la LNH à partir du visionnement et des statistiques des jeunes espoirs, j’estime que Barron et Engstrom devraient être plus importants dans le portrait général de l’état-major CH.
Au final, leur potentiel et les probabilités qu’ils atteignent celui-ci demeurent à mes yeux plus élevés.
Pourquoi?
Principalement parce que leur mobilité générale et leur QI hockey sont supérieurs à ceux des deux Ontariens et que, moyennant un bon esprit de compétition (compete level), ces deux attributs demeurent des facteurs clés du succès dans le hockey de haut niveau. Ce sont aussi des qualités TRÈS valorisées par le nouvel état-major du CH dans le style de jeu qu’ils veulent mettre de l’avant.
Le fait que Barron (via transaction) et Engstrom ont justement été choisis et sélectionnés par cette même nouvelle direction m’incite aussi à les classer un peu plus haut que les deux autres dans ce décompte des espoirs les plus importants du CH.
9. Adam Engstrom | DG
Potentiel : 33.5/40
Assurance : 16 /20
Valeur d’usage : 23.5/30
Valeur d’échange : 7/10
Total : 80 / 100
AJOUT : Une confusion s’est glissée dans une phrase écrite dans la version originale de ce texte qui aurait pu laisser entendre que c’est Patrik Bexell du site EOTP qui avait comparé Mattias Norlinder à Niklas Lidstrom. Or, c’est bien le journaliste suédois Per Hagglund qui est la source de cette comparaison. Bexell et EOTP aimaient beaucoup Norlinder en 2020 (5e) et 2021 (4e) dans leur classement annuel Top 25 under 25, mais ils ne sont pas à l’origine de cette malheureuse comparaison. Nos excuses pour la confusion.
Plusieurs pensent encore à la dégringolade de Norlinder dans la hiérarchie des défenseurs du CH quand on évoque le nom d’un autre Suédois comme Adam Engstrom. Mais il n’y a absolument aucune comparaison possible entre les deux. Voici d’ailleurs ce que Patrik Bexell de Habseyeontheprize avait à dire sur Adam Engstrom dans un article récent :
Adam Engström stood in the shadows behind teammates Liam Öhgren, Noah Östlund, Jonathan Lekkerimäki, and Calle Odelius in his draft year, but after a stellar season following his selection by the Montreal Canadiens, it is Engström who’s in everyone’s spotlight.
Öhgren, Östlund et Lekkerimäki n’ont littéralement même pas été capables de jouer dans la même ligue que Engstrom en 22-23, ils ont plutôt évolué en SWE-1, sans rien casser, même chose chose pour Odelius qui avait pour sa part été sélectionné au 65e rang. Pour sa part, Engstrom n’a cessé de progresser et a été le meilleur joueur de Rogle en séries de la SweHL, rien de moins.
Il ne serait donc pas complètement cinglé de penser qu’en rétrospective, Engstrom, choisi au 92e rang par le Tricolore en 2022, doive déjà obtenir de très sérieuses considérations comme un joueur qui aurait été digne de la première ronde.
Après, Slafkovsky (1er), Mesar (26e), Beck (33e) et Hutson (62e) qui méritent déjà tous d’être considérés comme des choix de première ronde en rétrospectives (même si des doutes persistent sur Mesar…), le CH aurait-il un 5e espoir de 2022 qui pourrait devenir un des 32 meilleurs hockeyeurs de son année?
Vu d’ici, avec un an de recul, la chose n’est certes pas impossible.
À nos yeux, de ce qu’on a vu de lui lors des deux derniers CMJ, Kapanen est simplement un espoir de deuxième ordre, une « mention honorable » hors du top-15, peut-être un futur centre de 4e trio, gros travaillant, pas mauvais du tout, mais sans qualité vraiment dominante. Je ne vois vraiment pas le potentiel de 2e centre dont parle l’ancien recruteur du Canadien…
Dans le cas de Engstrom, on voit tout de suite ses qualités dont plusieurs sont au-dessus de la moyenne : mobilité exemplaire dans toutes les directions, gros QI hockey, calme, confiance et efficacité dans son exécution avec la rondelle, bon gabarit, mains surprenantes, excellent positionnement défensif, juste assez robuste, belle maturité d’ensemble dans son jeu.
Son seul « gros » défaut serait son lancer ordinaire. Mais la force du tir est peut-être l’aspect le plus surestimé dans l’évaluation des défenseurs.
L’époque des Sheldon Souray est révolue.
Quand on regarde le rendement d’Engstrom en Suède (SHL), au CMJ, puis au camp de développement où il m’avait grandement épaté et qu’on cumule l’ensemble de ses qualités, on voit un défenseur très complet, intelligent, en progression constante, avec un potentiel digne du top-4 de n’importe quel club de la LNH.
Engstrom n’aura peut-être jamais tout le talent offensif requis pour évoluer au poste de quart-arrière de l’avantage numérique, mais il a tout ce qu’il faut pour jouer de grosses minutes à cinq contre cinq et en désavantage numérique.
En gros, du côté gauche, quand on regarde l’ensemble des qualités et des petits défauts, c’est un potentiel qui pourrait ressembler à celui de Kaiden Guhle dans un style moins kamikaze et avec un moins bon lancer.
On pourrait aussi tout simplement parler d’une version améliorée, plus dynamique et costaude, de Jordan Harris.
Contrairement à Guhle, Xhekaj et Mailloux, Engstrom ne semble pas du genre à vouloir faire mal à l’adversaire à chaque présence, préférant plutôt un bon positionnement pour enlever la rondelle à l’adversaire, un peu plus dans la tradition suédoise (Ulf Samuelsson étant l’exception!).
C’est moins spectaculaire, mais généralement ça fait aussi des carrières plus longues et moins douloureuses.
Comprenons-nous, Engstrom n’est pas soft pour autant, loin de là, il peut même être plutôt rugueux devant le filet. Il est juste plus sage en général.
Selon moi, cette sagesse dans son jeu et son intelligence lui confère une grande assurance d’atteindre son plein potentiel. Les blessures, qu’on le veuille ou non, sont un des facteurs qui expliquent le plus souvent que certains athlètes professionnels ne parviennent jamais à remplir les beaux espoirs qu’on plaçait en eux.
Bien sûr, des malchances peuvent arriver et tout va très vite dans un sport de contacts assez violent comme le hockey.
Mais, un peu comme sur la route et dans la vie en général, les gens qui ont le moins d’accidents sont la plupart du temps ceux qui s’exposent le moins aux risques inutiles…
Par ailleurs, bien qu’il soit Suédois, il n’a vraiment pas semblé dépaysé par les patinoires nord-américaines lors du dernier CMJ dans les Maritimes. On l’attendait sur la dernière paire de la Suède? Il a terminé le tournoi sur la première! Contrairement à d’autres Suédois avant lui (Nygren et Norlinder), je n’ai donc donc aucune crainte concernant son adaptation au style de jeu qui l’attend dans la AHL ou la LNH.
Malgré sa propension à excéder les attentes depuis son repêchage, on se gardera quand même de donner les clés du char à Engstrom avant son arrivée en ville. Il reste encore du chemin à faire entre Rogle et Montréal.
Quand on parle de Xhekaj et Mailloux, on se dit « ils pourraient s’établir dans un top-4 ». Mais des doutes importants persistent parce toutes les qualités ne semblent pas réunies chez aucun des deux, surtout en ce qui a trait au positionnement défensif, la stabilité, la constance et l’efficacité dans les décisions et l’exécution. Presque toutes des qualités rattachées au QI hockey…
Par son intelligence, Engstrom semble apporter cette stabilité et cette polyvalence tant aimé des entraîneurs. C’est pourquoi j’aurais tendance à penser que ses chances de devenir un excellent 4e défenseur sont meilleures que celles du duo susmentionné.
Mais là où ça devient franchement intéressant au niveau de la valeur d’usage, c’est que le Suédois donnera des options aux dirigeants de la Flanelle. Plaçons-nous deux secondes dans la tête de Kent Hughes. Mettons que…
Guhle se blesse souvent, risque d’exiger un gros contrat et sa valeur est excellente sur le marché? Hmmm…
Matheson a beau être productif et Québécois, il est aussi très souvent blessé et aura 32 ans au terme de son présent contrat. Hmmm…
Hutson est merveilleux offensivement, mais ne peut remplir les missions délicates en défensive? Hmmm…
Xhekaj n’est pas assez stable défensivement et se blesse souvent lui aussi? Hmmm…
Harris est correct mais sans plus comme 4e-5e défenseur et il demande une augmentation substantielle? Hmmm…
On le comprend, s’il continue sa progression phénoménale, Engstrom deviendra encore plus bien qu’une « méchante belle police d’assurance » pour le Tricolore, il pourrait tout simplement devenir une meilleure option dans les plans de l’équipe que plusieurs de ces compétiteurs du côté gauche.
Et il peut aussi jouer du côté droit au besoin…
Cela dit, le fait qu’il y ait une surabondance de jeunes défenseurs gauchers dans l’organisation lui enlève un peu de rareté et donc de valeur d’usage.
Bien sûr, avec ce qu’on vient de dire, on aurait tendance à croire que la valeur d’usage à moyen et long terme d’Engstrom pour le CH est plus grande que sa valeur d’échange.
Mais si on est l’aise avec Guhle et compagnie dans le top-4, qu’on veut garder Matheson comme vétéran à long terme, etc., Engstrom pourrait devenir une belle monnaie d’échange, surtout si on est capable de faire monter sa valeur encore un peu en Suède, dans la AHL et dans la LNH.
Engstrom n’a sans doute pas encore le plus gros dossier sur le bureau des recruteurs professionnels de la LNH, mais ses accomplissements en Suède et ses capacités sur la glace commencent à être de plus en plus reconnues.
Les directeurs généraux de la LNH feraient bien d’exiger des rapports détaillés à son sujet, car il fait partie des défenseurs gauchers – une position de force – que Hughes et Gorton pourraient être tentés de monnayer afin de combler des lacunes ailleurs…
Reste à voir si les valeurs de l’action continueront de monter en flèche.
8. Justin Barron | DD
Potentiel : 34/40
Assurance : 15.5/20
Valeur d’usage : 23.5/30
Valeur d’échange : 7.5/20
Total : 80.5/100
Le jury débat encore sur le potentiel de Justin Barron. Certains soirs, il a l’air de la meilleure version de Jeff Petry, d’autres soirs, de la moins bonne. Mettons ça sur le compte du métier qui rentre.
Mais on a quand même vu une nette progression dans son cas un peu après son retour de Laval, où sur une séquence de 20 matchs il a produit 14 points entre le 17 janvier et le 21 mars sans que personne n’en parle ou presque.
Prenons ça pour ce que ça vaut, mais si on veut parler de potentiel, une telle cadence sur 82 matchs, lui confèrerait une production de plus de 50 points!
Durant cette période, il s’est tout simplement mis à utiliser davantage les qualités qui lui ont permis d’atteindre la LNH : un bon gabarit, un coup de patin au-dessus de la moyenne, un bon instinct et QI hockey, une bonne vision du jeu et un excellent lancer.
Justin Barron’s first goal of the season pic.twitter.com/pCH7zUPybP
— HFTV (@HFTVSports) February 11, 2023
Même si on voudrait voir plus de constance de sa part, la progression de Barron au cours de sa première « demi saison complète » dans l’organisation du Tricolore a donc de quoi rassurer un peu tout le monde quant à la réalisation de son potentiel. À tout le moins, l’atteinte de son plancher dans la LNH semble pas mal réglée; il est déjà un défenseur adéquat de dernière paire qui mine de rien, à 21 ans, a enregistré 17 points en 46 dans la LNH.
S’il est un late bloomer comme Petry et d’autres grands défenseurs élancés dans son style, il est fort probable que sa progression soit loin d’être terminée et qu’il devienne lui aussi un jour un défenseur capable de 40 à 50 points.
À mon avis, même s’il doit encore polir son jeu, ce sont tous des « adversaires » à sa portée ; Barron a plus de potentiel et de qualités que ces trois-là.
Mais si jamais Barron devait repasser quelques mois à Laval, pour une raison ou pour une autre (ballotage, etc.), il n’y aurait encore aucun mal à ça. Même si à première vue, le natif d’Halifax n’aurait plus grand-chose à y apprendre, il pourrait toujours y gagner en constance, assumer davantage de leadership et jouer encore plus librement dans ses forces.
Une valeur d’usage difficile à prédire, mais on peut en avoir une petite idée…
Considérant qu’il est peut-être le défenseur encore le plus éloigné de l’atteinte de son plein potentiel de toute l’organisation (oui-oui, incluant Hutson et Reinbacher!), il demeure à ce jour difficile de dire quelle sera la valeur d’usage exacte de Barron pour le CH dans le futur.
Il est cependant avantagé au niveau de sa valeur d’usage par le fait qu’il est droitier puisque les jours de Savard, Kovacevic et/ou Lindstrom sont déjà pas mal comptés avec l’équipe. Barron, même avec l’ajout de Reinbacher, conserve une assez belle rareté au sein de l’organisation.
Barron a les attributs pour faire un peu de tout à la ligne bleue du Canadien. Mais dans une perspective à moyen et long termes, sera-t-il assez bon pour avoir une grosse part du gâteau, que ce soit en avantage numérique à cinq contre cinq ou en désavantage numérique?
En avantage numérique, des gars comme Hutson, Reinbacher et Mailloux pourraient tous passer devant lui, sans compter Matheson qui est loin d’être sorti de Montréal.
En désavantage numérique Guhle, Xhekaj et Reinbacher, devraient être appelés à accomplir une bonne part du boulot, sans oublier un certain Engstrom. Mais Barron pourrait également faire partie de la rotation des défenseurs utilisés dans cette phase de jeu.
Et donc, si aucun échange les impliquant ne survient et que Reinbacher le surclasse comme l’estime sans doute l’organisation, Barron se battra avec pas mal de monde pour faire partie du top-4 en défensive au niveau du temps de jeu.
Il est donc mieux de prendre ses longueurs d’avance le plus tôt possible, parce que même si la surabondance est du côté gauche, la compétition à l’interne risque d’être encore plus féroce dans les années à venir…
Barron n’a certainement pas perdu de sa valeur d’échange depuis son acquisition en retour de Lehkonen. Au contraire, logiquement, si son jeu est encore en progression, sa valeur sur le marché devrait l’être aussi, du moins légèrement.
Si donc Lehkonen valait un joueur comme lui, c’est-à-dire, un tout jeune repêché de premier tour (2020), Barron vaut encore au moins un jeune vétéran de qualité comme Lehkonen ou un espoir très intéressant. Moyennant qu’il poursuive sa progression, il pourrait devenir tout un as dans la manche de Hughes pour les prochaines années, si jamais on décidait de le sacrifier pour aller à la chasse au gros gibier.
Enfin, à « talent égal », les défenseurs droitiers étant plus rares, ils valent toujours un peu plus chers en général…
Cela dit, je crois que Barron figure bel et bien dans les plans à long termes de Hughes et Gorton et que la présence des Savard, Lindstrom et Kovacevic – tous sur de courts contrats – sert plutôt à ne pas lui faire prendre de trop grosses bouchées dans ce qui est encore une période d’apprentissage.
Le jeune Barron, rappelons-le, n’a encore que 46 matchs derrière la cravate dans la LNH…
Conclusion
Voici un petit tableau récapitulatif des nos évaluations des quatre derniers joueurs analysés dans ce décompte, tous des défenseurs :
Joueurs | Potentiel | Assurance | Valeur d’usage/rareté | Valeur d’échange | Total |
Mailloux | 33.5 | 14 | 23 | 6.5 | 77% |
Xhekaj | 32 | 16 | 23 | 7.5 | 78% |
Engstrom | 33.5 | 16 | 23.5 | 7 | 80% |
Barron | 34 | 15.5 | 23.5 | 7.5 | 80.5% |
Comme on peut le voir l’écart est très mince et tout pourrait changer rapidement dans la prochaine année moyennant, par exemple, une super transition de Logan Mailloux chez les pros (assurance en hausse), ou une opportunité manquée par Barron de s’imposer à Montréal dès cette saison (tous les facteurs en baisse).
En somme, on parle de quatre défenseurs remplis de qualités complémentaires qui à nos yeux sont assurés de jouer dans la LNH pour longtemps.
Reste à voir quelle chaise ils occuperont majoritairement au cours de leur carrière, que ce soit avec le Canadien ou un autre club, parce que si on inclut les Guhle, Harris, Hutson et Reinbacher, ça commence à faire du monde bien des jeunes gens à la grande messe…
Il faudra faire des choix, tôt ou tard, mais pour l’instant rien ne presse. Laissons la « sélection naturelle » faire son oeuvre, comme on le disait l’autre jour.
Mais, parlant de choix, qui seront les deux prochains joueurs sur notre liste aux positions 7 et 6?
Je vous laisse une semaine pour y penser!