Grosse nouvelle ce matin dans La Presse : Pierre Karl Péladeau sème le doute sur l’avenir de TVA Sports.
Le texte a été écrit par Richard Dufour, responsable de la couverture des entreprises québécoises inscrites en Bourse, des institutions financières et des entreprises de technologies financières chez La Presse.
En gros, Richard Dufour reprend les paroles prononcées par Pierre Karl Péladeau pendant l’assemblée annuelle des actionnaires du Groupe TVA, qui se tenait hier matin à Montréal.
« Il ne faudrait pas s’étonner que TVA Sports cesse ses activités […] après avoir investi plus de 230 millions de dollars, comme nous le disons en latin : don’t throw good money after bad ! […] nous pouvons le dire dès maintenant : TVA Sports n’aura pas les moyens ni les modèles économiques pour payer les montants colossaux que la Ligue nationale de hockey demande pour les droits nationaux de diffusion des matchs de hockey, selon ce que nous comprenons de l’entente récemment intervenue entre Rogers/Sportsnet et la direction de la LNH » – Pierre Karl Péladeau
Oh boy ! Si je n’ai pas les moyens de me payer une Lamborghini, je n’aurai pas de Lamborghini. Simple déduction logique de niveau primaire.
Avec une règle de trois, on peut en venir à la conclusion que si Pierre Karl Péladeau prétend ne pas avoir les moyens de payer pour les droits nationaux francophones de la LNH, il n’aura pas les droits nationaux francophones de la LNH, non ?
Surtout que TVA Sports a perdu 230 millions $ depuis son ouverture et que PKP se dit préoccupé de la nouvelle entente signée entre la LNH et Rogers (Sportsnet).
TVA Sports a perdu environ 20 millions $ lors des douze derniers mois. Durant cette même période, la chaîne a dû débourser environ 70 millions pour avoir le droit de diffuser des matchs de la LNH (dont seulement 22 des Canadiens, ce qui fonctionne le plus dans le Québec francophone).
Puisque les droits nationaux anglophones ont plus que doublé – ils sont passés de 4,5 milliards (canadiens) à 11 milliards canadiens sur douze ans -, on peut penser que la LNH et Rogers (Sportsnet) demanderont deux à trois fois plus d’argent au diffuseur francophone lors des douze prochaines années. Avec une nouvelle facture de 170 millions $ par année, les pertes de TVA Sports deviendraient stratosphériques. Même avec 32 ou 34 matchs au lieu de 22, tel que j’en avais parlé il y a quelques mois déjà…
C’est la raison pour laquelle PKP est sorti publiquement devant ses actionnaires en début de semaine… et qu’il a lancé ce qu’il a lancé. On peut le comprendre : aucune entreprise cotée en bourse ne va prendre cette décision-là. Surtout avec le retour des Nordiques qui n’est plus dans les plans.
Les actionnaires et les décideurs recommanderont certes la fermeture de la branche qui perd de l’argent… et qui va en perdre plus.
Mais deux questions subsistent cependant…
Qu’il est encore ouvert à l’idée de diffuser des rencontres de la LNH…
Mais qu’il n’est pas près d’une entente. Aux montants actuels, TVA Sports n’est pas dans le coup, mais la chaîne pourrait l’être si les paramètres devaient changer.
Est-ce que la LNH et Rogers mettront de l’eau dans leur vin, voyant que la réalité franco-québécoise n’est pas rose et que si elle ne le fait pas, ni RDS ni TVA Sports ne va pouvoir diffuser le hockey de la LNH en français ? Un vaut mieux que deux tu l’auras, non ?
Est-ce que Pierre Karl Péladeau, en sortant ainsi, s’est dit que ça allait mettre un peu de pression sur les deux paliers de gouvernement (les médias exigent plus de support de la part des gouvernements pour passer à travers la crise actuelle… et pas seulement du support pour les médias d’état publics) ?
Est-ce qu’il a dit ce qu’il a dit pour tenter de faire bouger le CRTC, qui doit rendre son jugement depuis des années concernant les redevances que Bell ne remet pas à leur juste valeur pour offrir la chaîne TVA Sports à ses abonnés ? De tels revenus aideraient à combler les désabonnements réguliers annuels, non ?
Bonne question ! À priori, on serait tenté de répondre oui. La chaîne paye 70 millions $ par année, plus des coûts de production et de talent, pour perdre 20 millions $. Si on retire ces 70 millions $, il y a matière à penser qu’elle ferait du profit.
Sauf que si tu retires les matchs de la LNH, tes revenus vont également chuter. Je ne vois pas TVA Sports rester ouvert sans le hockey de la LNH. Les gens seraient trop nombreux à se désabonner et les revenus de publicité seraient très amputés.
Conclusion
Ce n’est pas la première fois que Pierre Karl Péladeau sort publiquement pour évoquer la possible fermeture de TVA Sports. Il l’avait fait en 2019, il l’a fait il y a quelques années sur les ondes du 98,5…
Mais cette fois, avec le contrat de la LNH qui vient à échéance, c’est plus sérieux qu’avant. Il n’y aura pas de pénalités à éponger, si tu veux fermer (et cesser de diffuser du sport sur ta chaîne déficitaire).
Sauf que j’ai l’impression que PKP est encore en mode négos et que si le prix des droits vient à baisser, il sera de la partie. Parce qu’on va se le dire, Bell Média n’a pas plus les moyens de miser autant d’argent pour les droits nationaux francophones…
Et si personne n’offre le prix demandé, ce prix-là va inévitablement baisser, puisque les droits devront être vendus. Au prix actuel, TVA Sports ne renouvellera pas son entente… et fermera fort probablement. Mais on verra la suite des négos…
La présence de TVA Sports a fait faire des millions $ supplémentaires à la LNH et aux Canadiens. Comment ? En faisant jumper les contrats de diffusion nationale et régionale.
Si la chaîne en vient à disparaître, le club et la ligue se mettront pas mal moins d’argent dans les poches. C’est la loi de l’offre et de la demande.
PKP a voulu provoquer la ligue, Rogers, le CRTC, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral avec sa sortie. Est-ce que ça va fonctionner ? On verra.
Mais il a essayé quelque chose.
Prolongation
Il y a toujours l’option d’un split entre TVA Sports et RDS qui refuse de mourir lorsque je parle à des gens du milieu. Cependant, je n’ai pas l’impression que cette option-là est très haute sur la liste, surtout que Bell et Québecor sont davantage des compétiteurs que des teammates. Si ça arrive, ce sera une option de dernière minute pour permettre à tout le monde de sauver sa peau.We’ll see.