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Montréal, Boston, Toronto ou l’importance d’avoir des bases solides et une identité définie

Dans la plus récente édition du Hockey News, le toujours intéressant Ken Cambell nous parle de l’arrivée de Brendan Shanahan à la présidence des Maple Leafs et souhaite ardemment que l’ancienne vedette de la LNH ne prenne pas de raccourcis (quick fix) pour rebâtir la franchise. Doit-on encore rappeler que les Leafs n’ont pas gagné la Coupe depuis 1967 et qu’il n’ont participé aux séries une seule fois lors des neuf dernières saisons?

Parallèlement, le Canadien, après une très bonne campagne, vient d’éliminer Tampa Bay en quatre petites parties. On ne prétendra pas ici que le Canadien a tout ce qu’il faut pour gagner la Coupe Stanley, mais force est d’admettre une fois de plus qu’il forme présentement une des  7-8 meilleures équipes de la LNH et que la suite des choses s’annonce fort intéressante.

De leur côté, les Bruins se maintiennent généralement dans les hauteurs de cette même ligue depuis l’arrivée du géant de 6’9, 255 lbs, Zdeno Chara, en 2006-2007. La recette est bonne. Le système de Claude Julien, l’excellence de Patrice Bergeron, puis ce style ultra-rugueux, classique et légendaire (Eddie Shore…), des Bruins est assuré par de nombreux joueurs à commencer par le redoutable Milan Lucic. Les Bruins, encore cette saison, ont théoriquement tout ce qu’il faut pour se rendre jusqu’au bout.

Mais ce qui est le plus intéressant à propos de ces trois organisations c’est la manière avec laquelle elles ont été construites.

L’identité
Du côté des Bruins, c’est simple. Comme nous le rappelle Philippe Cantin ce matin dans La Presse, on n’a jamais perdu de vue le subtil leitmotiv du club « Heart and balls » et on est allé chercher les joueurs qui allaient incarner cet esprit par le biais de quelques signatures et échanges importants, mais aussi par un brillant repêchage.

Le geste clé de l’organisation  fut sans doute la signature à fort prix de Zdeno Chara en 2006 quelques semaines à peine après l’arrivée en poste de Peter Chiarelli. Chara est venu consolider une équipe qui depuis 2003 a su repêcher des Bergeron, Kessel, Lucic, Marchand, Krejci, Caron, Hamilton, Seguin et j’en passe.

Il y a aussi eu plusieurs échanges qui ont permis à des soldats comme Campbell, Thornton, Seidenberg et cie,  de venir cimenter l’équipe un peu plus et lui redonner son identité des beaux jours.

À Toronto, le problème des Leafs c’est justement qu’ils n’ont pas d’identité présentement, la « truculence » de Brian Burke et de Randy Carlyle ne semble pas convenir au groupe de joueurs en place. L’organisation avec le tandem Burke-Nonis a décidé de miser tout sur des leaders douteux en Kessel et Phaneuf. Des leaders qui au départ ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes et qui s’écroulent souvent lorsque la pression est forte et qui ne sont pas capables de rassembler et calmer leurs troupes, comme le suggère Ken Campbell.

Dans un marché où la pression est forte comme Toronto, il sera intéressant de voir quelle route empruntera Shanahan. Je suis pas mal d’accord avec Campbell pour dire que d’essayer de nouveaux raccourcis comme l’ont fait Burke et Nonis ne règlera rien. Les Leafs qui ont quand même de bons morceaux auraient besoin d’un genre d’Ekblad et d’un genre de McDavid, rien de moins, pour redevenir une puissance si vous voulez mon avis. Mais en attendant, se doté d’une identité claire et revoir le leadership et les bases du club serait déjà une excellente chose.

Tout est très solide à Boston. Tout est pas mal croche à Toronto. Qu’en est-il de Montréal?

Eh bien, malgré quelques mauvaises décisions au repêchage, quelques choix de 2e ronde sacrifiés, plusieurs agents libres de qualité qu’on a laissé aller pour rien, l’échange Gomez contre Higgins et Mcdonagh (aouch!), le Canadien est présentement bien en selle dans le premier tiers de la ligue.

Pourquoi? Comment?

Les bases solides de Gainey-Gauthier

Tout d’abord, bien que plusieurs partisans conservent un très mauvais souvenir du tandem Gainey-Gauthier, les deux messieurs n’ont pas fait que de mauvais coups. Voici les principales réalisations positives de leur ère qui ont toujours un impact dans les succès du club :

– Avoir su conserver Trevor Timmins dans l’organisation
– Avoir su conserver Andrei Markov et Tomas Plekanec dans l’organisation à des prix raisonnables.
– Avoir misé sur le bon cheval deux fois avec Carey Price, au repêchage et lors de l’échange d’Halak (même si l’acquisition de Kopitar au repêchage aurait pu être un meilleur choix selon certains…)
– Avoir obtenu une excellente valeur (Gorges et choix de 1ère ronde) pour Craig Rivet, un défenseur qui amorçait son déclin.
– Le super repêchage de 2007 : Mcdonagh, Pacioretty, Subban
– Avoir donné la chance à David Desharnais
– Avoir su convaincre Alexei Emelin de traverser en Amérique
– Avoir fait l’acquisition de Gionta, pas un joueur parfait, mais un capitaine utile à son club, capable de gros buts et de sacrifice.
– Avoir acquis Bournival en retour de Ryan O’Byrne
– Avoir fait confiance assez rapidement au jeune Subban en l’encadrant avec Hal Gill
– Avoir bien gérer les débuts difficiles de Pacioretty chez les pros
– Avoir acquis un jeune centre talentueux au gros gabarit (Eller) en retour d’Halak qui, comme prévu, peine depuis à maintenir un poste de gardien #1 dans la LNH.
– Avoir fait l’acquisition de Peter Budaj, un deuxième gardien expérimenté de qualité et un coéquipier exemplaire.
– Avoir échangé un petit joueur, fragile, couteux et individualiste (Cammalleri), en retour d’un gros ailier paresseux mais moins coûteux et performant en séries (Bourque) et de ce qui est devenu un haut choix de deuxième ronde (Fucale).
-Avoir mis la main sur deux défenseurs prometteurs en Tinordi et Beaulieu.
– S’être départi de Gill, A. Kostitsyn en retour de choix de deux choix de 2e ronde.

Bergevin qui complète l’oeuvre
Bref, le Canadien qu’on a sous les yeux aujourd’hui et qu’on verra dans les années à venir est en large partie le fruit du travail de Gainey et Gauthier, qui malgré des faux pas importants (tous les DG font des erreurs), ont plus souvent qu’autrement su séparer le bon grain de l’ivraie. Ils ont surtout su laisser à Marc Bergevin d’excellents choix pour les repêchages de 2012 et 2013, ainsi que des bases solides aux trois positions, des bases assez fidèles à l’identité du club : excellence dans les filets, défenseurs étoiles, talent, fiabilité et rapidité à l’attaque.

Les « quick fix » coûteux qu’étaient Cammalleri et Gomez maintenant partis, on sent que les joueurs en place forment un noyau fier et soudé, composé d’une quinzaine de joueurs qui ont grandi dans l’organisation où qui y sont depuis longtemps (4-5 ans).

À ceux-ci Bergevin a rajouté des joueurs d’expérience comme Prust, Brière, Vanek, Weaver, Weise et Murray qui donnent au club des munitions additionnelles ainsi que plus de poids et de robustesse. Tout ça donne un club cohérent et tricoté plus serré qu’à une certaine époque pas si lointaine, un club mieux bâti pour les séries.

Bergevin a fait beaucoup plus que du travail de finition depuis qu’il est en poste pour en arriver là. Il a rajouter des nouvelles pièces et réorganiser une bonne partie de la maison, à commencer par la superbe restructuration de l’organigramme qu’il a effectué dès son arrivée. L’embauche de Stéphane Waite l’été dernier a été la cerise sur le sundae. Rien n’est laissé au hasard.

On sent maintenant que l’organisation est solide et qu’elle est composée de plusieurs excellents hommes de hockey qui connaissent leur rôle et qui cherchent tous les jours à améliorer le club sur la patinoire et pas seulement les ventes au guichet. On a redonner la priorité au hockey en se disant que la victoire, au-delà de la nostalgie du passé, demeurait le meilleur argument de vente.

Vanek? Si oui, tant mieux, si non tant pis
Enfin, on ne sait pas encore si Bergevin et Vanek s’entendront sur un contrat à long terme. Mais dans l’éventualité encore très probable où Vanek quitte le CH en juillet, ce ne serait pas la fin du monde. Grâce au riche repêchage des dernières années, rien n’empêchera Bergevin de tenter de refaire un coup semblable si le cœur lui en dit.

Il pourra, par exemple, encore se permettre de sacrifier un petit joueur talentueux parmi les suivants : Andrighetto, Hudon, Reway, Lehkonen pour mettre la main sur un autre joueur de premier plan. Ces quatre joueurs ne pourront jamais évoluer en même temps à Montréal de toute façon. Il faudra encore trancher et échanger le « bon » comme on l’a fait pour Collberg.

Bref, l’excellence sur la glace passe par la solidité de l’organisation à tous les niveaux et, en ce sens, peu importe ce que fera le CH d’ici la fin des séries, l’avenir semble prometteur.

Le club arrive à maturité.

Personne ne tourne les coins ronds. Tous connaissent leur rôle.

Bergevin n’a vraiment pas fait beaucoup d’erreurs jusqu’ici. Son plan est clair et cohérent.

Mais, de manière plus importante, au-delà des bases solides et des réorganisations, on dirait que sous son règne l’équipe retrouve cette passion qui l’a de tout temps caractérisé. On dirait que le club a envie de retrouver ses racines, de reconnecter avec son identité.

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