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Les différences fondamentales entre Guy Boucher et Michel Therrien

Dans un monde qui nous habitue aux langues de bois, aux clichés insipides et aux paroles vides, Guy Boucher détonne et réussit à nous captiver. Ce qui était à la base un point de presse d’introduction à la barre des Sénateurs a pris des allures de démonstration d’intelligence lorsque le principal intéressé a été invité à élaborer sur sa vision. On l’écoutait. On buvait ses paroles. On en redemandait.

Articulé. Intelligent. Calme. Pertinent. En contrôle. Voilà des mots qui rendent bien sa prestance. Chaque réponse était exprimée avec cohérence et le Québécois n’a honnêtement fait aucun faux pas, évitant habilement les pièges rattachés aux questions des journalistes.

Par exemple, lorsqu’on lui a demandé ce qu’il comptait changer avec sa nouvelle équipe.

«Je n’aime pas l’emploi du mot changer parce que ça implique un virage à 180 degrés. Si on ne s’intéresse qu’aux faiblesses du club, nos forces vont s’atténuer. Il faut continuer à travailler sur les forces en corrigeant les faiblesses, sinon on deviendra un club moyen, sans identité», a-t-il exposé avec lucidité.

C’est on ne peut plus vrai. Chaque équipe qui rate les séries a forcément beaucoup de faiblesses, mais elle a aussi des forces sur lesquelles elle doit continuer à bâtir. On peut corriger ce qui ne fonctionne pas, mais également améliorer davantage ce qui est d’ores et déjà fonctionnel.

À en juger par les réactions sur les réseaux sociaux, cette conférence de presse a été dure pour les nerfs des partisans du Canadien. Il faut les comprendre: Marc Bergevin n’a tenu aucun membre de son administration responsable durant la pire séquence de l’histoire du club.  Pendant ce temps, l’un des meilleurs candidats bilingues pour succéder à Michel Therrien est engagé par une formation ennemie et vient étaler toutes ses connaissances sur la place publique, comme pour ajouter l’insulte à l’injure. «Salut, v’là le génie que vous avez raté, ma gang de loyaux!»

C’est Bergevin lui-même qui a emprunté cette direction et il devra faire face à la musique si son équipe ne parvient pas à rebondir en début de saison. Parce qu’on ne pourra s’empêcher maintenant de comparer Boucher à Therrien, en philosophant about what could have been. Dans ce duel d’entraîneurs, le diplômé de McGill part hélas avec une longueur d’avance. Le Canadien est une organisation riche en histoire qui doit répondre à de grandes attentes, et on s’attend d’elle à ce qu’elle soit avant-gardiste. Une bolle comme Boucher – qui détient un bac en histoire, un bac en génie des biosystèmes, une mineure en bio de l’environnement et une maîtrise en psychologie sportive – gagne donc facilement un concours de popularité avec sa vision progressiste du hockey.

Les différences entre les deux hommes sont fondamentales.

Boucher modifie constamment son système de jeu en fonction des changements de son personnel au cours de l’année. Et il n’aime pas particulièrement le terme système, puisqu’il est trop rigide. «Pour 25 joueurs, il y a 25 manières de coacher», explique-t-il. Ainsi, les schémas de jeu qui sont enseignés aux joueurs de quatrième trio seront différents de ceux qui sont proposés aux vedettes. Il y a donc un gros système, avec des directives générales relatives à la manière de jouer, qui se divise en plusieurs autres microsystème, qui muent en fonction des habiletés de chacun.

Bon. Les paroles sont jolies, jolies, mais elles doivent être suivies par les actes. Et on ne sait pas vraiment ce qui se dit dans un vestiaire. Toutefois, les rares accès qu’on a dans les coulisses du Canadien ne sont pas favorables à l’image de Michel Therrien. Est-ce simplement un mauvais hasard?

«On essaie d’être fancy, on essaie d’être cute. On essaie d’être une équipe qu’on n’est pas. 0 chance de marquer sur quoi… quatre tirs? Ça ne fonctionne pas comme ça, ce n’est pas nous. Transportez le disque à l’aile, mettez la rondelle au filet. Il y aura un rebond. Soyez sûrs d’être là pour le récupérer. On est fancy, fancy, fancy… Il n’y a pas de support pour la rondelle. Nord-sud, rapide. On ne veut pas ralentir le jeu, on veut l’accélérer. Chip and chase. ‘Tu y vas, j’y vais? Non? Ok, j’y vais’. Non, ça ne fonctionne pas comme ça. On est une équipe de grinders. Acceptez-le. Sinon, on n’a pas de succès.»

Cette séquence date de la saison 2013-2014. Le discours de l’entraîneur-chef est inquiétant à plusieurs égards. 1) les équipes de grinders sont bien vaillantes, mais elles ne remportent pas la Coupe Stanley à moins d’un miracle et 2) une équipe en phase de transition ne prendra pas les bons plis d’une équipe prétendante en épousant ce moule. Troisième erreur: si la stratégie est valable pour les plombiers devant jouer à l’intérieur de leurs habiletés, elle gaspille le potentiel de P.K. Subban, Max Pacioretty et Alex Galchenyuk, pour ne nommer que ceux-là. Ces joueurs sont en mesure de gagner leur pari en exécutant des jeux imaginatifs, et ce qui est bon pour Torrey Mitchell n’est pas forcément bon pour Alex Kovalev. En bon communicateur, Therrien pourrait adapter son discours en commandant plutôt à ses joueurs d’envoyer le disque au filet par automatisme dès qu’ils ne croient pas pouvoir fabriquer un jeu avec l’espace qui leur est donné.

De nos jours, la tâche d’un entraîneur est d’extirper la moindre once de talent de chaque type de joueur. Cette stratégie fourre-tout n’accomplit pas cet objectif. Au mieux, elle peut permettre à une équipe de se sortir d’une léthargie quand elle tente de trop en faire et ne parvient pas à acheter un but.

D’autres anecdotes montrent un monde de différences entre les deux hommes.

Dans une chronique publiée aujourd’hui sur RDS.ca, Mathieu Darche souligne les talents de psychologue de Guy Boucher, qui a donné un second souffle à sa carrière.

«Guy a l’habitude de faire produire des joueurs dont on ne s’attend pas et, grâce à son expérience en psychologie sportive, il est excellent pour faire croire à ses joueurs qu’ils sont capables de l’impossible. Ce fut le cas à Hamilton avec David Desharnais, qui s’est amélioré exponentiellement sous les ordres de Boucher. Même chose pour moi, car je me rappelle ma saison à Hamilton avec Guy lorsque je lui avais mentionné que je comprenais mon rôle et que j’étais à Hamilton pour aider les jeunes à s’améliorer et devenir des pros. Guy m’avait interpellé et dit très sèchement : « oui ça fait partie de ton rôle, mais toi aussi si tu veux, tu es capable de retourner dans la LNH.»

Et Therrien? Aux dires de Mike Weaver, il est l’entraîneur avec lequel il a le moins communiqué. René Bourque a tenu des propos semblables à son départ: «Nous n’avions pas la meilleure relation. On ne communiquait pas. Je ne sais pas ce qu’il voulait de moi et vice-versa.» Il a aussi été connu pour son autoritarisme à l’époque où il dirigeait les Canadiens de Fredericton. Terry Ryan, choix de 1re ronde du Canadien en 1995, le dépeint dans son livre autobiographique (Tales of a First-Round Nothing) comme un dictateur qui essaie d’exercer une sorte de domination mentale sur ses joueurs. Therrien a évidemment évolué depuis… Mais jusqu’à quel point?

Enfin, je ne crois pas que l’entraîneur-chef du Canadien soit mauvais. J’ai été le premier à vanter les mérites de son système au début de l’année lorsque toute l’équipe était en santé et il a connu du succès à plusieurs endroits, que ce soit dans la LHJMQ, la ligue américaine ou la ligue nationale. Son expérience et ses connaissances ne sont pas à dédaigner.

Cela dit, on attend encore un petit miracle de sa part. À l’instar de ce que Boucher a réussi avec Mike Hoffman (largué par deux équipes juniors avant de prendre son envol sous sa férule), Mathieu Darche, David Desharnais et compagnie. À l’instar de ce qu’il a réussi avec Stamkos (60 buts) et la défensive minable du Lightning (finale de conférence).

Marc Bergevin a décidé de garder son entraîneur, car il le croit bon. Je lui reproche de ne pas l’avoir congédié pour le remplacer par quelqu’un d’excellent.

Être trop ambitieux, cela n’existe pas dans un marché comme Montréal.

En rafale
– Un compte-rendu des performances des joueurs du Canadien au Championnat du monde en Russie. (TVA Sports)

– Les Sharks réussiront-ils à atteindre la finale de conférence pour la première fois depuis 2011? (25Stanley)

– Renaud Lavoie estime que Bob Hartley n’a eu aucune chance de se dénicher un nouvel emploi. (TVA Sports)

– 4 ou 5 équipes auraient signalé leur intérêt à Peter Chiarelli pour le quatrième choix au total des Oilers. (Toutsurlehockey)

Le CH est probablement l’une d’elles. Marc Bergevin récolte constamment de l’information et il s’informera du prix, si ce n’est que pour en avoir le coeur net. Pierre-Luc Dubois pourrait être dans son viseur.

– Le trio de Shipachyov, Dadonov et Panarin a encore une fois été excellent au Championnat mondial. Voici une belle passe de Shipachyov en direction de Dadonov:

Rappelons que le Canadien essaie de trouver un moyen de signer Shipachyov pour le faire venir en Amérique du Nord… Il est sous contrat jusqu’en 2016-2017 avec le SKA de la KHL. 

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