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CH : Quand la complaisance règne partout…

On est à l’heure des bilans de quart de saison et comme plusieurs je me demande : « c’est quoi le problème du Canadien? »

On n’a pas mal fait le tour de toutes les évaluations individuelles possibles et, à part quelques-uns, on peut conclure que les joueurs de l’équipe peuvent tous en donner un peu plus.

On a aussi parlé du coach qui se fait régulièrement « outcoaché ».

On a même commencé à effriter, ici et là, l’immunité dont jouissait le DG, Marc Bergevin, depuis son embauche.

Mais j’ai du mal à être satisfait de ces explications « atomistiques » ou « en silo », comme on dit dans le jargon bureaucratique.

Selon moi, le problème est plus profond, plus « systémique », plus large et général, que ça. Et il ne se situe pas seulement au niveau du premier quart de cette saison 2013-2014.

Le problème du CH en est devenu un de culture organisationnelle.

La culture organisationnelle de complaisance, ça part de lui.
Source : capebretonpost.com

Le problème du CH, c’est simple, c’est la complaisance.

Dans tous les corps de métier, la complaisance est le pire ennemi de la performance.

Or, on dirait bien que pour le Tricolore, la complaisance est partout.

Elle vient d’en haut.

Elle vient d’en bas.

Et elle gangrène le milieu.

Tout d’abord, d’en haut…
Quand les premières paroles qu’on entend à l’ouverture du camp d’entraînement proviennent de Geoff Molson, le propriétaire et président de l’équipe, et que celui-ci nous dévoile que l’objectif est de faire les séries – après que l’équipe eut terminé au deuxième rang de sa conférence l’an dernier – il y a un sérieux problème.

C’est comme si, au début de la session, un enseignant disait à des étudiants montrant un certain potentiel  : « visez le 60%! »

Que se passerait-il pensez-vous?

Impression que tout sera facile, effort minimum, perte d’intérêt, décrochage, tricheries, et, inévitablement, du chialage de losers pour des notes non méritées. Voilà ce qui se passerait.

C’est pour ça qu’il faut toujours dire aux étudiants de viser le 100%, de viser le top. De cette façon, il y a beaucoup plus de chances d’en soutirez le meilleur, même si pour certains cela semble irréaliste.

Je ne dis pas que le CH était parmi les « aspirants logiques » pour gagner la Coupe Stanley en septembre dernier. Mais l’étaient-ils en 1986 et 1993?

Le Devils du New Jersey se sont rendus en finale de la Coupe il y a deux saisons à peine. Leur meilleur défenseur était Bryce Salvador et ils avaient ratés les séries l’année d’avant. Était-ce « réaliste » de les voir là?

Être « réaliste » et « logique », ça peut aussi être très loser, surtout dans le sport professionnel, au sein d’une équipe qui se vautrait dans le « No Excuses » jusqu’à plus soif, il n’y a pas si longtemps.

Geoff Molson a un sérieux examen de conscience à faire au niveau du message qu’il envoie à toute l’organisation et aux fans.

Pour l’instant, comment y voir autre chose que l’important c’est d’être « compétitif » et rentable?  

Ce ne sont pourtant que deux objectifs « bonbons » et insignifiants.

À peu près toutes les équipes sont compétitives dans cette ligue. C’est le minimum qu’on peut espérer d’une équipe qui frôle le plafond salarial!

Et faut-il vraiment s’inquiéter des problèmes de rentabilité quand on est propriétaire d’un club à Montréal ou Toronto? Les deux organisations n’ont jamais fait autant d’argent.

L’une n’a pas gagné depuis 1993, l’autre depuis 1967.

Ça ne manque pas d’argent, ça manque de Coupes!

Complaisance et non-performance. Un combo inévitable. Un mariage naturel.

Voilà pour le haut. Voilà pour ce qui vient du « sommet ».

Du côté du DG…
C’est correct qu’un DG ait un plan quinquennal. Et à n’en pas douter Bergevin doit en avoir un.

Mais si on s’entend avec des Brière à 4 M$, j’ose croire que ce n’est pas juste pour faire les séries. J’ose croire que ce n’est pas juste pour parler en français aux médias.

Sinon, pourquoi conclure une entente à fort prix avec un vétéran sur le déclin?

Pourquoi avoir octroyé si tôt un si gros contrat à David Desharnais, un RFA, qui n’allait à peu près nulle part au moment de sa signature l’an dernier? Qu’est-ce qui pressait tant? J’ai eu ma petite idée là-dessus

Et pourquoi manquer chroniquement de confiance envers les jeunes en place au point de s’entendre avec des vétérans finis? Murray et Parros auraient de la misère à suivre dans la AHL.

Ils sont gros? Ben oui, c’est ça justement, ils sont gros. Trop gros et trop lents.

Toutes des petites embauches de « profondeur » qui au bout du compte nuisent au développement des jeunes à qui on sape la confiance en les faisant niaiser dans des plans de développement nébuleux.

Il aurait pourtant été si simple de créer une saine compétition entre Pateryn, Tinordi et Beaulieu en attendant Emelin. Si simple de faire jouer Leblanc, qui a connu un camp exemplaire, au lieu d’un gros Parros au bout du rouleau ou d’un White, sans grand talent.

Comme je le disais, Bergevin a certainement un plan à long terme. Mais le problème avec les plans à long terme, c’est qu’ils ne mènent nulle part si on ne travaille pas chaque jour à leur réalisation.

Pour gagner la Coupe Stanley dans un avenir rapproché, il faut s’assurer de bien développer et de donner le plus de confiance possible aux jeunes qui seront appelés à élever le club à un niveau supérieur.

Et je n’ai vraiment pas le sentiment que c’est ce qui arrive avec plusieurs jeunes de l’organisation présentement.

Mais du lot, je trouve que Bergevin semble être le moins complaisant. Je lui accorde encore quelques mois de grâce. Mais tôt ou tard, il faudra qu’on voit davantage sa marque sur ce club.

Présentement, le Tricolore joue encore comme un petit club, bien inoffensif et chez qui le leadership se fait très discret.

Et ça vient aussi d’en bas…
Qui est en bas?

Et oui, les partisans… et les médias!

C’est connu, le fan du CH est un passionné à tendances « bipolaires ». Dépressif et sévère dès que le CH perd deux matchs consécutifs. Rêveur quand il en colle trois en ligne…

Mais, comme le Président de l’équipe – lui-même un fan – c’est la complaisance qui caractérise le mieux le partisan de la Flanelle profanée en 2013.

L’équipe n’a rien gagné depuis 1993? Pas grave! Le Centre Bell est rempli de blaireaux qu’on a attirés à coup de « passé glorieux », de « la ville est hockey », de « Club DU Hockey », et de casquettes plus belles que lorsque le club gagnait la Coupe à chaque année ou presque.

Quoi? Le club est pourri, mais ils en redemandent encore, ces chers fans, consommateurs?

Ok! On va leur servir du 24CH, version améliorée, s’il le faut! Ça va être écoeurant! De l’écrapou pis du drama mettant en scène leurs vedettes préférées!

Non mais, y sont-tu beaux, pis y sont tu-fins, y sont presque comme du monde ordinaire avec leurs hauts et leurs bas! Pis y font des jokes entre eux autres! Wow! On capote!

Comme si les joueurs n’étaient déjà pas assez populaires en jouant au hockey dans une ville comme Montréal!

Comme si en plus de tous les médias traditionnels et sociaux, qui leur consacrent déjà pas mal de « jus de cerveau », n’étaient pas suffisant!

Comme si ce qui leur restait de vie privée n’était pas déjà assez publique!

Ce sont pourtant juste des joueurs de hockey. Ils en ont déjà bien assez d’être en compétition contre Boston.

Pourquoi essayer d’en faire aussi des compétiteurs des douches d’Occupation double?

Le peu de jus qui reste dans le citron, devrait servir à gagner des matchs de hockey. Pas à essayer encore davantage de satisfaire le « monstre », de « nourrir la bête ».

Encore l’insatiable délire marketing et économique! Je viens bien comprendre que le Club de hockey Canadien de Montréal est une entreprise privée dont le but est de faire du profit, mais depuis Boivin on le gère presque uniquement comme si c’était un McDonald!

Les médias

Puis, la complaisance règne évidemment partout dans l’immense sphère médiatique qui entoure le CH. Il suffit d’avoir été sur le plancher du Centre Bell à quelques reprises avec les gens de RDS, du 98,5, etc. pour comprendre la nature souvent incestueuse des relations entre les médias traditionnels et l’organisation. Il y a tellement de questions qui ne sont pas posées parce qu’implicitement elles ne peuvent pas être posées.

Il y a des exceptions et quelques-uns osent plus que d’autres, mais règle général, c’est rare qu’on va au-delà de la traditionnelle remise en question des trios et des stratégies, et encore…

On est plus au niveau pathétique du : « Pis Michel, comment qu’on se sent après une défaite comme ce soir? »

Je pense que fans et médias doivent se questionner davantage sur l’influence qu’ils exercent auprès de l’organisation.

Des fans plus exigeants, moins pressés de dépenser leurs économies (il y en a quand même de plus en plus…), et des médias, disons, plus « mordants » contribueraient sans doute à rendre cette organisation plus « honnête », et « imputable », davantage sur le qui-vive et, surtout, plus encline à viser plus haut.  

Quand le président dit dès le début du camp que l’objectif est de faire les séries, ça veut dire qu’on est sur le cruise control et qu’on veut mettre tout le monde, fans et médias, sur le cruise control.

Et, au milieu, les joueurs et le coach!
Comment ne pas se sentir « arrivé » et « parvenu » quand, même après tant d’années de médiocrité (à quelques exceptions près), les fans sont toujours prêts à tout oublier et hypothéquer leur fin de mois pour une paire de billets et ton chandail à 300$?

Quand partout où tu vas, peu importe tes performances, tu as le monde à tes pieds?

Et surtout, quand ton boss t’envoie un énorme chèque de paie en ayant des attentes on ne peut plus modestes à ton endroit, déjà que le chèque en question n’est pas nécessairement relié à tes performances récentes, mais bien à celles, très hypothétiques, anticipées?

Ça nous donne un club qui finit par penser et qui finit par jouer, peut-être inconsciemment, comme si le but était de faire les séries en jouant pour .500.

Ça nous donne des joueurs complaisants qui se satisfont de peu et qui se pensent au-dessus de leurs affaires à la moindre réalisation intéressante, comme on l’a vu en fin de calendrier l’an dernier et comme on le voit encore depuis le début de la saison.

Ça nous donne des athlètes individualistes, peu affamés et engagés, qui jouent pour leur temps de glace, leur fiche personnelle ou pour leur ti-contrat. Pas pour gagner des matchs en équipe. Si on perd, ce sera de la faute à l’autre de toute façon!

Ça nous donne des joueurs qui refusent de se responsabiliser (parce qu’ils sont tellement bons, tellement beaux et tellement fins) et qui préfèrent jeter le blâme sur le coach.

Par la même occasion, ça nous donne un entraîneur qui tente de sauver son job en dirigeant pour ne pas perdre de façon lamentable plutôt que de coacher pour gagner.

Ça nous donne un pilote qui a peur de ses têtes fortes et de ses vrais leaders, qui a peur de donner plus de responsabilité aux jeunes et qui essaie de ne pas perdre son vestiaire en flattant ses vétérans.

Au total, ça nous donne une équipe qui, plutôt que de viser l’excellence, essaie, avec un succès mitigé, d’éviter la médiocrité. 

Comme des étudiants qui visent le 60% au lieu du 100%.

Dire qu’à Chicago l’an dernier, on disait n’avoir encore rien gagné après une série de 26 matchs sans perdre en temps régulier…

Ben, les bottines ont encore suivi les babines dans leurs cas.

Chicago a évidemment une très bonne équipe sur papier, mais encore faut-il avoir des objectifs élevés, visez l’excellence et ne jamais être complaisant.

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