Sport à l'école : le gouvernement nuit à la réussite scolaire (de mes jeunes)
Crédit: Maxime Truman

Non, je ne fais pas qu'écrire des articles, gérer DLC, assister à des entraînements de soccer, faire des podcasts sur le CF Montréal, livrer des chroniques à la radio et jouer au golf dans la vie. Je suis aussi entraîneur au soccer et au futsal (soccer en gymnase).

Sauf que j'essaie du mieux que je peux de ne jamais mélanger chaque sphère de mon horaire. Mais hier, je n'ai pas été capable…

Qu'est-ce que j'ai fait ? De quoi suis-je coupable ? J'ai profité de la tribune que mon rôle dans les médias québécois m'offre pour dénoncer une situation qui n'a pas de maudit bon sens : celle de plusieurs jeunes athlètes que j'ai la chance de coacher dans une école secondaire publique de Repentigny.

J'enseigne le futsal depuis maintenant trois ans à de jeunes garçons de 12 à 17 ans. L'an dernier, j'étais coach de notre première équipe benjamin (secondaire 1 et 2) et responsable de notre équipe cadet (secondaire 3 et 4).

Je le répète toujours, autant aux joueurs qu'aux gens qui me questionnent sur les raisons de mon implication auprès des jeunes, que parvenir à amener « mes » jeunes du public à compétitionner – et parfois vaincre – des jeunes du privé, c'est pour moi une grande fierté.

Étant moi-même un produit de l'école publique, je suis à même de constater qu'au niveau sportif, on n'est pas mal jamais au même niveau que le privé. Plateaux sportifs, équipement désuet, implication des parents, connaissances sportives de base… disons qu'on part souvent avec une deux longueurs de retard sur les écoles privées du secteur. #Underdogs

Mais on fait toujours du mieux qu'on peut pour arriver, du moins à la fin de la saison, à pouvoir tenir tête aux meilleures équipes de la région de Lanaudière – Laurentides. L'an dernier, on est parvenu à atteindre les demi-finales régionales avec notre équipe benjamin, puis on a remporté les régionaux – et terminé quatrièmes aux provinciaux – avec notre équipe cadet.

Tout ça en plein Ramadan et avec des jeunes que l'on a dû souvent lifter et nourrir par nos propres moyens durant la saison…

(Crédit: Maxime Truman)

Je n'ai pas besoin de vous dire à quel point ces réussites peuvent avoir des conséquences positives sur l'estime de soi, la vie sociale et la réussite scolaire de « mes » jeunes garçons.

Sauf que ce matin, je peux déjà vous dire que nous ne répéterons pas ces exploits-là cette année. Pourquoi ? Parce que le gouvernement a décidé de sabrer dans les subventions qu'il accordait aux écoles publiques. Par conséquent, les jeunes doivent maintenant payer pour participer aux activités parascolaires.

Au début de l'été, on a appris que le gouvernement provincial (CAQ) avait l'intention d'imposer des compressions budgétaires de 570 millions $ dans le réseau scolaire (tutorat, soutien aux élèves à besoins particuliers, postes de personnel spécialisé et activités parascolaires). Quelques semaines plus tard, le gouvernement a annoncé qu'il allait bel et bien réduire ses investissements dans le réseau scolaire, mais que ça allait être un peu moins pire que prévu. #Comm101

Sauf que la réalité demeure la même au final : le gouvernement envoie moins d'argent aux directions d'écoles qui elles, doivent décider où elles sabrent dans le budget de leur institution respective.

Chez nous, à Repen', la direction a décidé de ne plus offrir les activités parascolaires gratuitement et de charger 200 $ par athlète. Pour plusieurs familles, 200 $, c'est rien quand tu te dis que ton jeune va jouer entre 8 et 12 matchs organisés contre d'autres écoles et qu'il va s'entraîner deux fois par semaine dans un cadre de qualité pendant presque toute l'année scolaire.

Sauf que pour d'autres familles, ce 200 $ fait toute la différence. Plusieurs parents d'élèves du public n'ont plus 200 $ (par enfant) à dépenser après le loyer, l'électricité, les taxes, la bouffe, la voiture, l'essence, les autres frais scolaires, etc.

Lundi soir, quand j'ai rencontré les jeunes qui avaient de bonnes chances de faire mon équipe benjamin à la fin des évaluations/sélections, plusieurs d'entre eux m'ont dit qu'ils n'allaient pas pouvoir s'inscrire car leurs parents ne voulaient – ou ne pouvaient – tout simplement pas payer 200 $ pour les inscrire. Il y en a qui pleuraient…

N'est-ce pas le but de l'école publique de donner une chance égale à tout le monde ? N'est-ce pas dans son ADN ?

Le gouvernement ne cesse de répéter que les jeunes garçons sont nombreux à décrocher rendu au secondaire et là, il en vient à couper dans ce qui garde de nombreux garçons sur les bancs d'école, c'est-à-dire le sport parascolaire ? Come on !

C'est comme si je disais à mon gars de se forcer pour son examen de math, mais que je lui confisquais sa calculatrice. Ce ne serait pas constructif et conséquent…

Je suis donc allé voir mes boss pour leur demander si je pouvais commanditer mes deux équipes avec DLC. Leur réponse ? Ce serait cool, mais le Centre de services scolaires ne permet pas de commandites puisque l'école publique doit être neutre. Elle ne peut pas faire la promotion d'entreprises privées.

Ce à quoi j'ai répondu que si le gouvernement et le Centre de services scolaires faisaient leur job, on n'aurait pas à imaginer des scénarios de commandites.

Ça n'a rien changé.

La seule solution, m'a-t-on fait comprendre indirectement, pour éviter de voir des jeunes ne pas jouer au futsal à cause des finances de leurs parents, c'est quelqu'un donne du cash cash dans les mains du jeune, qui va tout de suite payer son inscription avec ça. #PasSûr

J'ai pensé à lancer un GoFundMe, mais on m'a aussi fait savoir qu'à l'école publique, il faut s'assurer que tout le monde ait les mêmes chances et les mêmes privilèges. Bref, il faudrait que je lance un GoFundMe pour toutes les équipes, de tous les sports que l'on offre, et non seulement pour mes deux équipes. Sauf qu'on a une quarantaine d'équipes…

Lancer un GoFundMe pour toutes nos équipes demeure une solution que je me garde en cas de dernier recours, mais sincèrement, j'aimerais beaucoup mieux que le gouvernement de François Legault ou le Centre de services scolaires prenne ses responsabilités. La solution, elle devrait venir d'eux – surtout qu'elle existait il y a quelques mois à peine -, et non des poches des contribuables déjà énormément taxés…

D'autant que nos gouvernements ne se gênent pas pour dilapider notre argent collectif dans SAAQclic, Northvolt ou le toit du Stade Olympique. Un moment donné, c'est à lui d'être plus responsable avec notre argent et de subventionner les bonnes choses.

Je m'attends à plus de lui. Il doit être meilleur.

Pour l'instant, je ne vais pas couper les jeunes dont les parents ne pourront pas payer l'inscription ; je sais qu'à quelque part, on va trouver une solution.

Mais j'espère que cette solution, elle viendra du Centre de services scolaires ou du gouvernement, pas de mes/nos poches. We'll see.

Prolongation

Pour arriver à compétitionner avec ces écoles privées dont l'inscription pour le même sport tourne autour de 1 000 $, on ne peut pas se permettre de perdre nos meilleurs joueurs parce que leurs parents ne peuvent/veulent pas payer 200 $ pour la saison.

Je veux bien tenter de faire des miracles avec très peu, mais si on mange des rinces 10 à 0 chaque semaine, je ne crois pas que le sport parascolaire va aider l'estime de soi et la réussite scolaire de nos jeunes athlètes. Il aura l'effet inverse : des jeunes vont tout simplement arrêter de faire du sport.

Non, le but n'est pas de gagner à tout prix – ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas comme ça –, mais pour que le sport ait ses bienfaits, te faire humilier chaque semaine n'aide pas.