betgrw

Pour une éthique minimale des tirs bloqués et l’importance de David Savard revue et corrigée

David Savard passera les deux prochains mois à l’écart du jeu à la suite d’un tir bloqué avec sa main qui est maintenant fracturée.

Tous saluent son courage, son abnégation, son sens du sacrifice pour une cause plus grande que lui : l’équipe.

Tout ça est bien noble.

C’est un peu comme les soldats qui se sacrifient pour la nation et dont on saluera une fois de plus le courage le 11 novembre prochain.

Mais, considérant les risques, dans quelle mesure est-ce une bonne idée de se placer dans la ligne de tir des joueurs adverses alors qu’il y a déjà un gardien de but mieux équipé et outillé pour faire ce travail?

Y aurait-il une ligne directrice à tracer à quelque part par les dirigeants ou est-ce juste une question d’instincts et de personnalité chez les joueurs?

Peut-on établir une éthique pour les tirs bloqués?

Sans dire que les personnalité de chacun et l’instinct n’ont aucune incidence dans ce dossier, il me semble qu’une directive générale (et non pas absolue) basée sur des données probantes et de la logique doit être donnée par les dirigeants afin de guider un peu mieux leurs troupiers.

Oui, ça va vite. Non, on ne pourra jamais éviter toutes les blessures. Et oui, les décisions doivent se prendre en une fraction de seconde. Mais on parle justement d’athlètes de pointe qui ne font que ça, prendre des décisions dans le feu de l’action tout en ayant en tête les directives générales de l’équipe.

Alors, pourquoi ce serait différent pour les tirs bloqués?

Voici sous forme de questions-réponses, ce qui me semblerait être une approche plus rationnelle en matière de tirs bloqués, des lignes directrices, qui formeraient une genre de check list intériorisée par les joueurs.

1. Le joueur en défensive est-il en position vulnérable par rapport au tireur?

Sur un puissant tir frappé, si le tireur est à une distance dangereuse, genre, juste assez loin pour que la rondelle risque de frapper autre chose que les jambières du joueur en défense, celui-ci ne devrait pas se mettre dans le chemin de la rondelle et encore moins, littéralement, jouer au gardien de but (comme Savard).

Les risques de blessures à long termes sont simplement trop élevées.

2. Le gardien est-il en position de faire l’arrêt?

Le joueur en défense a généralement une idée assez claire de la position de son gardien. Si celui-ci est en position pour bien voir le tir et réaliser l’arrêt, il est illogique pour le joueur en défense en position vulnérable de se placer devant un tir puissant.

Tasse-toé, t’es pas équipé pour ça!

Irais-tu à la guerre avec un couteau à beurre?

Te lancerais-tu dans le vide avec un parachute trop petit?

Etc.

En plus, le joueur risque de juste voiler la vue de son goaler s’il ne bloque pas le tir!

Il ferait mieux de s’occuper de neutraliser les joueurs adverses et/ou saisir les retours près du filet.

3. Quel est le score? Et quelle heure est-il?

Si le joueur en défense se trouve dans un cause clairement gagnante ou perdante en fin de rencontre, il est tout simplement ridicule de risquer une blessure pour peut-être sauver un but.

En début de match alors que le score est égal ou presque (0-0 ou 1-0), on ne voit pas non plus la logique de risquer un blessure. Le joueur sera plus utile sur la glace qu’à l’infirmerie s’il veut aider son club à gagner.

Si le score est serré en fin de rencontre, on doit toujours s’en remettre au jugement du joueur en défense en fonction de la position du tireur, de celle de son gardien, du type de tir, etc.

Mais, même dans ces situations d’urgence où l’appel du sacrifice est généralement plus grand et où l’instinct de survie veut prendre le dessus, toutes les organisations et tous les joueurs doivent demeurer conscients que la perte d’un joueur clé à long terme est généralement plus coûteuse que la perte d’un ou deux points de classement, surtout en début de saison quand les clubs doivent, de semaine en semaine, se positionner favorablement en vue des séries.

Le devoir ou les conséquences?

En définitive, il faut ici faire s’opposer la morale du devoir (« si t’es en position de bloquer un tir dangereux, tu DOIS le faire ») et des bonnes intentions à la morale utilitariste du calcul des conséquences envisageables (la FIN justifie-t-elle les MOYENS? Est-ce que ça vaut le risque? Etc.).

Et, règle générale, au niveau de la gestion des organisations et de leurs effectifs, c’est cette dernière qui devrait l’emporter le plus souvent.

Bien sûr, en séries, dans un match do or die, la « règle générale » pourrait prendre le bord, on doit alors prendre tous les risques (ou presque) pour gagner, la victoire devient ici un devoir quasi absolu, mais vous comprenez l’idée.

Malgré tous les impondérables positifs du monde (esprit de corps, respect des coéquipiers, honneur et réputation du valeureux guerrier), on ne peut comparer ceux-ci et les possibles deux points gagnés lors d’un match aux bien plus nombreux points de classement perdus à la suite de la perte d’un joueur important…

Ce qui nous mène au 2e point!

David Savard est-il un joueur si important que cela pour le CH?

Personne ne dira que Savard n’est pas un joueur important pour le Tricolore.

Leader respecté dans le vestiaire, influence positive sur tous, joueur intelligent sur la glace et, au plan humain, un sacré bon bougre vue de l’extérieur.

David Savard est un très bon joueur de hockey et un humain en apparence encore meilleur.

On aime David Savard.

Mais sa perte coûtera-t-elle nécessairement de nombreux points de classement?

Ça, on peut sérieusement en douter.

Le « points shared » de Savard aurait été de 2.3 en 62 matchs l’an dernier. Si on compare au 5,4 points de Matheson en 48 matchs, il n’y a pas photo.

Et si on compare au 2.2 points en 39 matchs de Justin Barron, on établit encore plus le sérieux du doute!

On peut aussi regarder ça d’une autre façon si vous n’aimez pas les stats avancées.

Même si Savard allait permettre aux CH d’engranger quelques points de plus jusqu’en décembre, sa perte est-elle bien grave dans un contexte où le Tricolore ne vise pas exactement la Coupe Stanley cette saison?

Une fois qu’on a dit que Savard était un bon leader et un bon modèle pour les jeunes, est-il vraiment si important que ça dans les grands plans de l’organisation?

Prenez ça sous cet angle. Mettons que Marc Bergevin n’avait pas signé David Savard il y a quelques années, Kent Hughes aurait-t-il fait des pieds et des mains l’été dernier pour aller le chercher, lui, ou un défenseur au profil semblable?

Pas sûr, pas sûr

Au contraire, on peut penser que dans le contexte de reconstruction, le fait qu’un jeune défenseur talentueux de 22 ans comme Justin Barron devait se contenter d’un rôle de 7e ou de 6e défenseur n’était vraiment pas optimal.

Même s’il cherche encore à devenir plus fiable et plus constant et qu’il doit faire preuve de plus caractère ou de maturité, on parle d’un arrière très mobile doté d’instincts offensifs indéniables et d’un très bon lancer.

Il a même été capable de produire 14 points en 20 matchs à un certain moment lorsqu’on lui en a donné la chance l’hiver dernier.

Pas exactement un pied de céleri…

La progression de Barron et l’établissement de sa valeur comme joueur pour le CH (ou pour le reste de la LNH, car on aura des décisions à prendre tôt ou tard…) est plus importante dans le contexte actuel qu’un David Savard de 33 ans qui joue soir après soir sur une de tes deux premières paires, aussi noble et valeureux soit-il.

Savard, s’il n’est pas à échanger cette année, pourrait l’être à sa dernière année de contrat l’an prochain. En santé, sa valeur sur le marché ne changera pas beaucoup dans ce laps de temps.

Et s’il est en santé, il rendra de précieux services à ses acquéreurs.

Mais blessé plus souvent qu’à son tour, si le CH décide ou réussi à échanger Savard avant la fin de son contrat, Hughes serait heureux d’obtenir un retour semblable à ce qu’il a reçu pour Edmundson (3e et 7e ronde) l’été dernier.

En outre, quoiqu’il arrive, il est aussi fort improbable que le contrat du Québécois soit prolongé avec le Canadien.

Du moins, pas comme joueur!

Bref, qu’un Savard soit un bon mentor dans l’organisation et qu’il serve à pouvoir maintenir un Logan Mailloux, 20 ans, dans la AHL et un Reinbacher, 18 ans, en Suisse, c’est parfait.

Mailloux et Reinbacher ont besoin de millage.

Mais qu’il empêche un Barron – qui n’a plus grand chose à apprendre dans la AHL – d’occuper une chaise convenable avec le CH c’était problématique. Du moins, à mes yeux.

Même si on peut toujours dire que Barron « n’avait qu’à voler la chaise de Savard », on sait tous que ce n’est pas vraiment comme ça que ça fonctionne dans un milieu hiérarchique comme la LNH.

C’est souvent lors de blessures que les jeunes prennent la chaise des vétérans, surtout en début de saison.

Et pour l’instant, même si c’est bien triste pour Savard et tous ses nombreux admirateurs (et j’en suis), sa blessure aide le CH à régler un petit problème de gestion et de maximisation d’effectifs.

Et elle aide (un peu) l’organisation à se rapprocher d’objectifs à long terme encore plus importants.

PLUS DE NOUVELLES