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Les limites des « fancy stats »

Si vous êtes un mordu de hockey, vous vous êtes sans doute frotté assez souvent aux fameuses « fancy stats », particulièrement celles nommées « Corsi » et « Fenwick » que l’on utilise abondamment pour justifier différentes analyses portant sur des équipes ou des joueurs.

Que sont donc ces stats et que mesurent-elles?

L’indicateur Corsi mesure toutes les tentatives de tirs par une équipe ou un joueur (buts, tirs au but, tirs hors cible, tirs bloqués. À défaut de mieux, c’est une statistique qui indique la possession de rondelle d’un joueur ou d’une équipe (il faut avoir la rondelle pour lancer, marquer et, en général, gagner).

L’indicateur Fenwick fait à peu près le même travail que Corsi sauf qu’il ne mesure pas les tirs hors cibles non bloqués. Fenwick est ainsi plus révélateur que Corsi pour mesurer de gros échantillons (disons, 20 matchs), alors que Corsi est plus pertinent sur de petits échantillons (disons, 1 à 5 matchs). Mais au bout du compte, il n’y a vraiment pas une grosse différence entre les deux indicateurs.

Une autre façon très simple de voir la chose serait de dire que, les indicateurs Corsi et Fenwick remplacent les fameux « plus et moins » (+/-), une statistique critiquée depuis longtemps pour plusieurs raisons.

D’abord, le fait que le niveau de responsabilité des joueurs sur un but marqué ou alloué varie énormément d’un individu à l’autre enlève beaucoup de valeur à cette statistique.

Ensuite, parce que l’échantillon que fourni le différentiel +/- n’est souvent pas assez grand pour donner une image satisfaisante d’un joueur, statistiquement parlant. Les buts étant beaucoup plus rares que les tirs au but, ils donnent peu d’occasion au statisticien de s’exercer. C’est un peu comme un peintre à qui on fournirait seulement qu’une ou deux couleurs pour peindre une forêt en plein jour. En revanche, les lancers au filet lorsqu’un joueur est sur la glace lui fournissent un indice de possession beaucoup plus précis parce que beaucoup plus abondants.

Par exemple, un joueur pourrait terminer une rencontre avec un différentiel de -2 tout en n’étant nullement responsable des buts marqués contre lui lorsqu’il était sur la glace. Or, le même joueur pourrait avoir un Corsi de +7 puisque son équipe a généré 7 tirs de plus que l’adversaire lorsqu’il était sur la glace, disons 18 contre 11, pour un Corsi for en pourcentage de 62% (18/29). A-t-il connu au mauvais match? Probablement pas.

Je dis « probablement pas » à dessein parce que un joueur comme David Desharnais, qui a connu un excellent match hier avec deux buts et plusieurs beaux jeux, peut aussi se retrouver avec un minable Corsi à la fin du match : 34,5% (10/29)!

On voit donc que ces statistiques viennent jeter une lumière nouvelle sur notre analyse du hockey. On peut sans aucun doute les compter comme des indicateurs importants à ne pas négliger. Ils peuvent entre autres souvent venir relativiser les jugements lapidaires ou trop élogieux que les fans peuvent entretenir à l’endroit de certains joueurs.

Or, certains ne jurent plus maintenant que par ces nouvelles statistiques utilisées depuis 2006 et popularisés par des sites comme Extraskater.com.

Plusieurs vont même jusqu’à développer une foi presque aveugle en ces indicateurs de possession de rondelle au point d’en faire une quasi-science du hockey, comme si tout était quantifiable au hockey!

Or, le danger avec la vénération de ces stats est bien sûr de sombrer dans le scientisme le plus élémentaire qui ressemble à s’y méprendre à une nouvelle forme de religion où on aurait remplacé le vieux monsieur barbu par une série de chiffres et de pourcentages avec lesquels on pense pouvoir tout justifier et tout expliquer.

Or, lorsqu’on flirte avec le religieux sans faire preuve d’esprit critique – ce dernier point est important – les affres de la pensée unique et de l’intolérance ne sont jamais bien loin.

Tu ne défends pas ton point de vue et ton analyse en t’appuyant sur des stats en tout genre? Ta gueule le moron!, peut-on lire en substance assez souvent en guise de réponse sur certains sites où le tact et l’humilité viennent souvent en option.

Mais quelles sont donc les limites de ces statistiques que plusieurs disciples de la nouvelle science du hockey ne semblent pouvoir admettre qu’à grand mal?

Eh bien, c’est tout simplement qu’aussi révélateurs Corsi, Fenwick et autre fancys stats peuvent être, ils ne sont au final que de simples indicateurs offrant de nouvelles pistes d’analyse en mesurant des aspects spécifiques et quantifiables du hockey, au même titre que le font toujours les  buts, les passes, les points, les +/- et les mises en échecs.

Ils ont des limites qui leur sont propres comme n’importe quelle indicateurs. Ils ne peuvent à eux seuls donner le portrait global d’un joueur et ainsi empêcher tout débat sur tel ou tel athlète ou tel équipe. Le contraire serait pour le moins étonnant et très triste pour les amateurs de sport!

Que nous disent Corsi, Fenwick et cie sur le désir d’un athlète?

Peut-on quantifier le désir en pourcentage? Non.

Le talent? Non plus.

Le sens du jeu? Non.

La prise de décision? Encore non.

Peu importe les nouvelles stats qu’on inventera, l’évaluation d’un joueur de hockey ou d’un match de hockey ne pourra jamais être seulement que quantifiable. Elle ne pourra jamais être entièrement basée sur des chiffres. Une bonne analyse au hockey ou une bonne évaluation d’un joueur sera toujours à la fois basée sur du quantitatif et du qualitatif. On ne pourra jamais remplacer les évaluateurs de talent par des robots ou des ordinateurs.

Pour imager le propos à l’aide de deux films récents, Moneyball aura toujours besoin d’un Trouble with the curve pour remettre certaines choses en perspective. Des choses comme le talent, le désir, la qualité de l’effort, le caractère, le leadership, le sang froid, l’intelligence et le sens du jeu, la qualité de l’exécution et de la prise de décision.

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