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Retraite ou pas, Bergevin aura laissé sa marque à Montréal

Suite à sa défaite contre le Lightning de Tampa Bay en finale de la Coupe Stanley, le Canadien continue nous faire vivre des émotions, comme en font foi les informations renversantes au sujet de l’avenir Shea Weber, les spéculations multiples au sujet de Carey Price qui ont meublé le repêchage d’expansion du Kraken de Seattle, le dossier entourant le contrat de Danault, sans oublier le repêchage amateur qui se déroulera cette fin de semaine.

Mais avant d’aborder un autre sujet dans une prochaine chronique, soit le toujours passionnant dossier des joueurs autonomes qui pourraient intéresser le Tricolore, j’aimerais revenir sur un sujet qui est passé un peu rapidement dans le fil de presse, soit la retraite possible de Marc Bergevin en tant que DG du Canadien. En fait, je veux surtout analyser la marque qu’il aura laissé sur l’organisation, sa signature en quelque sorte.

Une culture réinventée
Ainsi donc le DG du Canadien songerait déjà assez sérieusement à prendre sa retraite, du moins en tant que DG du Canadien. Au cœur de la cinquantaine, apparemment en très bonne santé, ça en dit long sur l’exigence du métier dans le marché montréalais. Selon certains, il aurait depuis un certain temps une offre contrat sur son bureau qu’il n’a toujours pas signée. Une décision quant à son avenir sera assurément prise au plus tard au terme de la prochaine saison, nous a-t-il assuré.

Et en attendant, il a tout un été devant lui…

Qu’à cela ne tienne, après presque une décennie on peut déjà faire un assez bon bilan du règne de Bergevin. Quelle marque le boss du « biceps club » laissera-t-il sur le Canadien? Que retiendra-t-on de son passage à la tête de l’équipe? Quel sera son héritage, son lègue?

Voici en quatre points la signature à partir de laquelle Bergevin est parvenu à changer la culture du Tricolore, un changement qui pourrait bien lui survivre au-delà de son éventuel départ à la retraite.

1) Sa passion
À son arrivée en 2012, le petit gars sympathique et blagueur de Ville-Émard constituait tout un contraste avec son prédécesseur, le fantomatique Pierre Gauthier. On se souviendra particulièrement de ses multiples explosions de joie en séries en 2014 et 2021. Mais sa passion, c’est peut-être dans les innombrables heures à talonner ses collègues au téléphone qu’elle se veut la plus manifeste au quotidien. Bergevin a la réputation d’être le plus travaillant de tous les DG de la LNH, ce n’est pas rien et ça explique sûrement la fatigue qu’il dit ressentir. Il ne serait pas farfelu de penser que cette passion et ce travail acharné venant d’en haut se retransmettent au reste de l’organisation d’une façon ou d’une autre. Du moins, c’est comme ça que ça se passe dans pas mal tous les autres milieux de travail…

2) Son flair
Vanek, Prust, Weise, Petry, Byron, Danault, Radulov, Chiarot, Kovalchuk, Edmundson, Perry, Anderson, et j’en passe, constitue toutes des acquisitions judicieuces de Bergevin au fil des ans. Que l’on parle de ballotage, de joueurs autonomes ou de transactions (il en a perdu très, très peu) Bergevin a presque toujours su acquérir des joueurs qui se sont avérés fort utiles sans qu’il lui en coûte trop cher en dollars et/ou en personnel disponible. Si jamais il quitte Montréal pour exercer des fonctions analogues ailleurs, soyez assuré que son flair et l’enviable portfolio qui en découle ont été remarqué par plusieurs dirigeants, présidents et propriétaires autour de la LNH…

3) Son audace
Dès la sélection d’Alex Galchenyuk au troisième rang de l’encan de 2012, Bergevin a démontré qu’il n’avait pas peur de prendre les risques nécessaires pour corriger les lacunes de son club. « Chucky » n’avait joué que deux parties à Sarnia et avait dû être opéré au genou lors de la saison précédant son repêchage. Qu’à cela ne tienne, le CH avait un criant besoin à la position de centre et Bergevin n’a pas hésité. Dès qu’il a eu la chance de voir Galchenyuk à l’œuvre lors d’un camp d’évaluation maison quelques semaines avant le repêchage, son idée était faite. Pour la suite moins rose de l’histoire on sait qui est davantage à blâmer. Mais pour Bergevin le ton avait été donné dès ses premières semaines en fonction.

Son audace lui a peut-être fait perdre l’échange Drouin/Sergachev, mais elle lui a par-dessus tout permis d’amorcer un colossal changement de culture en juin 2016 en échangeant son joueur le plus populaire auprès des fans – et mon préféré à l’époque – P.K. Subban, pour le remplacer par le plus vieux, moins flamboyant mais certainement plus respecté Shea Weber. C’est le point tournant du fameux changement de culture et peut-être le début de son plan 2.0 qui s’est confirmé deux ans plus tard avec la transaction qui a vu s’emmener Suzuki et Tatar en retour de Max Pacioretty, à qui la lettre « C » n’a jamais vraiment collée sur le légendaire chandail.

À l’été 2021, au lendemain d’une finale de la Coupe Stanley, qui peut dire que cet audacieux changement de culture et ce non moins audacieux plan de relance (« reset on the fly ») n’ont pas déjà porté fruit?

Vous pouvez aussi mettre la non protection de Carey Price en vue du repêchage d’expansion du Kraken sur le compte de l’audace, mais je pense que parfois l’audace de Bergevin ressemble plus à de la ruse et sur celle-là, Price lui-même l’a sans doute aidé un brin…

4) Sa vision 
C’est bien beau l’audace et la ruse mais encore faut-il que celles-ci soient au service d’une vision cohérente donnant une direction claire au changement de culture et à la relance désirée. À nos yeux cette vision peut se résumer ainsi :

A) Des joueurs de caractère capables d’abnégation
Personne n’est plus gros que l’équipe. Il fallait trouver et identifier les leaders qui incarnent cela et en montrent l’exemple : Weber, Gallagher, Byron, Perry. Voilà. Il sera maintenant intéressant de voir si des jeunes de la trempe de Suzuki et Caufield pourront prendre le relais…

B) Bâtir une équipe pour les séries
En observant comment sont jouées et arbitrées les séries année après année, Bergevin en a conclu qu’il lui fallait une équipe plus lourde et robuste en fonction de cette « bibitte » bien différente de la saison régulière. Le CH devait cesser d’être essentiellement une petite équipe rapide : Anderson, Perry, Staal, Chiarot, Edmundson. C’est plus de 1 100 livres de viande pas toujours reposante que Bergevin à ajouter à sa formation lors des deux dernières années avec ces cinq joueurs…

C) Construire à partir d’une défensive fiable alliant robustesse et mobilité
On n’a qu’à regarder le personnel actuel et la brochette d’espoirs qui s’en viennent à la ligne bleue pour s’en convaincre. Les Romanov, Guhle et Struble incarnent d’ailleurs parfaitement cette vision.

D) Miser sur une bonne ligne de centre productive et responsable dans les deux sens
Voilà un problème ancestral que Bergevin a réglé et qui s’avéra peut-être son principal héritage sur la glace. Selon ce qu’on entend, il serait plus que surprenant que la très belle prise qu’a constitué Danault poursuive sa carrière à Montréal, mais avec Suzuki en tête et KK qui devrait suivre pas trop loin derrière, Bergevin (aidé de Timmins) a déniché deux jeunes centres de calibre top 6, une chose qu’on n’a pas vue depuis des décennies à Montréal. En santé, Evans, un choix de 7e ronde (!) montre de belles qualités pour certains rôles plus défensifs, sans oublier son jeune compatriote Ryan Poehling, excellent à sa deuxième saison à Laval, et qui aura logiquement droit à une très belle audition à l’automne. C’est lui, rappelons-le, que Bergevin voit comme le troisième centre de l’équipe depuis au moins février 2020. Quant à Jan Mysak, choix de second tour en octobre dernier, ben ce sera du gravy rendu-là comme disent les Tchèques!

Voilà pas mal les idées maîtresses qui semblent avoir guidé Bergevin – surtout à partir de la deuxième moitié de son mandat – et qui risquent fort de demeurer dans l’ADN du CH pendant de nombreuses années après son départ comme DG du CH… si départ il y a, et sans écarter la possibilité qu’il demeure à l’emploi de l’organisation dans d’autres fonctions!

En attendant, on verra si les prochaines signatures et transactions de Bergevin continueront de s’inscrire dans la culture qu’il a implanté. Les prochains jours risquent d’être animés.

On reconnecte bientôt! 

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