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Geoff Molson a perdu l’âme de son équipe

Ça faisait longtemps que je n’avais rien rédigé sur ce site. Un temps de pause qui m’a donné un certain recul et permis d’observer un paquet de choses sur les Canadiens et sur la LNH en général. Ça m’a aussi permis de me détacher un peu de tout ça. Et franchement, je vous le conseille. Ça fait du bien de ne pas ressasser sans arrêt des affaires négatives, de ne pas chialer, de ne pas chercher à être le premier à trouver LA bibitte.

Il n’empêche que pour ceux qui sont comme moi, les Canadiens c’est viscéral. Je suis né à une époque où les Canadiens dominaient le hockey. J’étais trop jeune pour vivre cette époque frénétique, mais j’ai quand même de solides souvenirs des finales de 86, 89 et 93. J’ai vu Gretzky et Lemieux à leur apogée et vécu la rivalité Canadiens-Nordiques. Loin de moi l’idée d’être nostalgique ou de trouver que c’était une meilleure époque qu’aujourd’hui, mais c’est simplement pour vous dire que le hockey et plus particulièrement les Canadiens font partie de ce que j’ai toujours aimé.

Même lorsque le CH ne gagnait pas la coupe Stanley avec régularité, quelque chose de fort nous unissait autour de cette organisation. Cette équipe avait une âme.

Dans les années 40 et 50, Maurice Richard a vraiment donné cette âme aux Canadiens. Symbole de la Révolution tranquille à venir, il a donné aux francophones une icône, un modèle de qui être fier. Bien sûr, il était entouré de grands joueurs, mais son ardeur au jeu, sa capacité à faire les grandes choses dans les grands moments, cette force qui passait dans son regard, les Québécois y ont vu un rêve et surtout le droit d’y croire.

Puis, Jean Béliveau a pris le relais. Le Gros Bill prenait son équipe sous ses ailes pour les mener à la victoire. Son style, sa prestance, sa proximité des gens qui l’aimaient ont imprimé d’autres valeurs à ce que voulait dire être un Canadien de Montréal. M. Béliveau voulait d’abord et avant tout être reconnu comme un joueur d’équipe.

Par la suite, Guy Lafleur a soulevé les passions par sa fougue, son talent, sa créativité et sa vitesse. Encore aujourd’hui, les fans qui l’ont vu jouer attendent son successeur. Encore aujourd’hui, quand on le rencontre par hasard ou dans un événement organisé, le Démon blond serre des mains, signe des autographes avec le sourire sincère et la poigne d’un athlète. Son départ précipité de Montréal a laissé des marques.

Et quelques années plus tard, c’est Patrick Roy qui a écrit une autre page de l’histoire de ceux qu’on pouvait encore appeler les Glorieux. Malgré qu’il n’ait pas misé sur des clubs aussi dominants que lors des décennies précédentes, Roy a transcendé tout ce qu’on pouvait imaginer pour devenir l’un des plus grands « winners » de l’histoire du hockey. D’ailleurs, lui aussi a dû partir précipitamment. Et nul besoin de s’étendre sur les plaies qui ont été ouvertes.

Pendant de nombreuses années, les directeurs généraux Houle, Savard (André celui-là), Gainey et Gauthier ont pataugé dans l’espoir de replacer la plus grande organisation du hockey sur son piédestal. Les quelques soubresauts de succès sont survenus lorsque des joueurs à l’aura plus grand que nature sont venus faire un tour dans le vestiaire. Je parle de Kovalev et Subban.

Ces joueurs avaient un point en commun avec les grandes légendes du passé. Ils étaient le point focal des fans. Les amateurs se voyaient en eux, voulaient les applaudir. On se levait de nos sièges lorsqu’ils avaient la rondelle en zone neutre et qu’ils fonçaient à vive allure en territoire ennemi. On rouait allègrement de « bines » notre voisin de sofa lorsqu’ils effectuaient un tourniquet pour se débarrasser de leurs adversaires. On ne cherchait pas loin pour trouver une personne avec qui jaser du but de notre vedette préférée le lendemain des matchs. Il ne leur a manqué que la coupe Stanley pour faire partie eux aussi de la légende.

En laissant partir P.K. Subban, Marc Bergevin a choisi de régler un problème sans en prendre correctement la mesure. Il a cru qu’en envoyant le clown au pays du country en retour de Shea Weber, il allait imprégner son club du leadership dont il avait besoin pour gagner. Non seulement ce fut une erreur sur la glace (bien que j’adore Weber), ce fut une erreur à tous les niveaux de l’organisation. P.K. Subban ne devait pas quitter l’équipe, il aurait dû en être la pierre d’assise. Pas nécessairement en être le capitaine, mais celui autour duquel on allait ramener la tradition gagnante.

Subban, comme les autres grands de l’histoire allait devoir être entouré et même encadré, mais son impact positif sur les résultats de l’équipe était indéniable. Sans lui, les Canadiens n’auraient jamais éliminé les Bruins en 2014. Subban était le seul parmi les leaders de cette équipe à être en mesure de se hisser au-dessus de la masse lorsque l’enjeu était à son paroxysme. Pas Pacioretty. Pas Plekanec. Pas Markov. Mais il dérangeait dans le vestiaire.

Je ne nie pas qu’il devait être fatiguant pas à peu près. Mais quand vous avez un joueur aussi spécial, vous le gardez et ceux qui ne l’aiment pas doivent quitter. Mais la culture du CH n’est pas adaptée à notre époque. Le CH a développé une mentalité du Nous contre les autres. Les autres étant les journalistes, les auditeurs de lignes ouvertes, les chasseurs d’autographes, bref les dérangeants.

 

Au lieu d’embrasser cette passion qu’ont les fans pour leur équipe, ils croient se protéger en érigeant des murs d’une hauteur insurmontable. Ainsi, tout devient une question de loyauté à l’intérieur des murs. Ceux qui ont envie de s’ouvrir à ceux qui vivent à l’extérieur des murs finissent par en pâtir. Subban aimait trop ce qui se passait là-bas. Il fallait se défaire de ce virus.

Imaginez si à la place, on avait échangé Pacioretty pour un Evander Kane, Plekanec pour un David Perron et si Bergevin avait acquis je ne sais quel autre trouble-fête pour jouer avec cette équipe un peu folle qui comptait déjà sur les Galchenyuk et Gallagher. De la fougue, de la créativité, un peu de rebelle et surtout une âme.

Et imaginez si l’organisation avait décidé de les laisser agir à leur guise à l’extérieur du vestiaire. Seules conditions, rien d’illégal et quand vous mettez les pieds dans le vestiaire, c’est un pour tous et tous pour un. Oh et puis, j’aurais aimé voir Joel Bouchard à la tête de ce groupe. Victoire ou pas, on aurait un plaisir inouï à suivre cette bande et à en faire la nôtre.

Bergevin a failli se reprendre lorsqu’il a embauché Alexander Radulov à l’été 2016. Quelle saison il a connu l’an dernier. Oubliez le nombre de points qu’il a récoltés et dites-vous que sans lui, Pacioretty n’aurait jamais inscrit 35 buts. Sans Radulov, Galchenyuk n’aurait pas non plus figuré parmi les meilleurs pointeurs de la LNH au moment de sa blessure. Mais parce que Bergevin a tenté de jouer au négociateur féroce, Radulov joue à Dallas. Radulov parti, on a perdu l’âme de l’équipe de l’an dernier. Maintenant, il ne reste plus rien.

Aujourd’hui, alors que le printemps à venir marquera le 25e anniversaire de la coupe de Jacques Demers, les amateurs se plaignent, les fans désertent, les jeunes ont des idoles qui jouent à l’autre bout du continent. Aujourd’hui, les leaders du club qui représentait jadis la fierté d’un peuple n’ont pas cette âme. Aujourd’hui, les Canadiens se transforment en méga holding complètement détachés de leur ancrage, la population québécoise.

Monsieur Molson, vous êtes le propriétaire et le président de cette équipe. Vous faites amplement d’argent, le problème ne sera jamais là. Mais svp, retrouvez l’âme des Glorieux. Peut-être que les fans ne savent pas quel est le bon échange à faire, mais ils savent ce qu’ils aiment regarder et vivre. Écoutez-les davantage.

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