betgrw

Shea Weber et le mauvais sens du timing

Sur la glace comme ailleurs, le sixième sens qu’est celui du timing est crucial. Faire le grand saut dans la ligue nationale un hiver trop tôt peut être fatal pour le développement d’une recrue. Atteindre l’apogée de son potentiel au sein d’une équipe en reconstruction équivaut à du gaspillage pour un joueur d’impact. Connaître une léthargie à l’arrivée du printemps peut embarrasser un hockeyeur d’une étiquette de perdant pour longtemps. Être échangé contre l’un des noms les plus populaires du circuit pour débarquer dans un marché en pleine crise existentielle risque de mettre beaucoup de pression sur les épaules d’un nouveau venu… et de lui attirer bon nombre de critiques injustifiées. Parlez-en à Shea Weber.

Si Jack Todd, chroniqueur pour le Montreal Gazette, s’est quelque peu emporté cette semaine, c’est qu’il juge que le numéro 6 des Canadiens est victime d’une certaine injustice depuis son arrivée avec l’équipe. Il n’est pas question de déterminer lequel des styles aux antipodes de Weber et Subban se veut le plus efficace ni de savoir qui est le plus flamboyant. Encore moins de conclure si oui ou non Marc Bergevin s’est fait rouler par David Poile le fameux 29 juin 2016. Même s’il y a déjà deux ans que Michel Lacroix ne s’époumone plus à annoncer les exploits de P.K. au Centre Bell, le résultat d’un concours de popularité entre ce dernier et son remplaçant serait pour le moins prévisible (sauf pour le Tricolore).

Rares sont ceux qui ont digéré la transaction, et nombreux sont les signes qui pointent vers un avantage aux Prédateurs jusqu’ici. Les critiques fondées sur le jeu parfois soporifique de Weber font ombrage à sa grande efficacité, et l’annonce de son absence jusqu’au temps des fêtes n’allait sûrement pas calmer le mécontentement des partisans. Bien sûr que ses quelques années d’avance au compteur l’exposent davantage aux blessures que Subban, mais ce genre d’impondérable reste toujours imprévisible. C’est pourquoi le manque de transparence de l’organisation dans ce dossier est la seule chose pouvant faire l’objet de critiques.

Comme le fait remarquer Todd, pas une seule fois le défenseur format géant ne s’est plaint de sa situation depuis son déménagement à Montréal. Son leadership, son apport physique, sa dévotion absolue envers l’équipe et ses aptitudes hors pair sur la glace demeurent indéniables. Ses statistiques, lorsque les blessures l’ont épargné, répondent assurément aux attentes. Le chroniqueur va même jusqu’à le comparer à un autre grand défenseur s’étant aligné pour le tricolore. À ses yeux, il partage le même professionnalisme, la même capacité à relancer l’attaque et la même force physique qu’un certain Larry Robinson.

Le joueur préféré de Jack Todd et de bien des partisans, à l’époque.

Le compliment est peut-être exagéré, mais le propos qu’il sous-tend est pertinent. Weber n’est pas Subban, mais c’est un grand défenseur. S’il avait été repêché par l’organisation montréalaise et qu’il n’était pas à la merci d’une éternelle comparaison avec un joueur avec lequel il ne partage que la profession, les fans du Canadien le vénéreraient probablement autant que le fait Mike Babcock. S’il avait pu conserver sa réputation d’homme de fer en débarquant au Québec et qu’il ne s’était pas retrouvé au sein d’une équipe en reconstruction (bien qu’inavouée), les critiques envers lui seraient probablement bien moins nombreuses.

Cela fait beaucoup de si, mais ils résultent tous de malchance, ou d’un mauvais timing. Le mauvais moment pour se blesser, pour être échangé, pour reconstruire. Pendant que Subban flirte avec la Coupe Stanley et le trophée Norris, Weber mange son pain noir en silence, à l’écart du jeu. Des rumeurs l’envoient déjà sous d’autres cieux, si le Canadien en vient à répéter le triste spectacle de l’an dernier. Celui qui aurait pu devenir l’idole d’un peuple n’aurait ainsi fait que passer, au pire moment possible, dans les pires circonstances imaginables.

PLUS DE NOUVELLES