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Un lock-out, la FTQ, le « capitalisme sauvage » et Martin Leclerc

Martin Leclerc écrit souvent de très bons papiers. Il est aussi plutôt sympathique lorsqu’on le croise. Bref, je n’ai rien contre lui. Rien du tout. Mais parfois il glisse un peu trop du côté du sensationnalisme. C’est-à-dire, qu’il pond à l’occasion des textes très croustillants mais pas toujours justes et équitables à l’endroit de ceux qu’ils visent.

Son texte d’hier soir où il associe le Fonds de la FTQ, le gros syndicat québécois qui est un actionnaire minoritaire du Canadien, à un éventuel lock-out dans la LNH, entre (malheureusement) dans cette deuxième catégorie.

De plus, sans aucune nuance, Leclerc avance que le Fonds de la FTQ avait aussi été « à l’encontre des valeurs prônées par le syndicat », lors du conflit qui opposait la direction du Canadien aux employés de sa boutique souvenirs qui souhaitaient se syndiquer. Or, c’est cette même FTQ – qui, en passant, depuis sa création a permis de maintenir et sauver 126 000 emplois – qui est finalement intervenue et fait pression sur le CH afin de régler le conflit. Les employés de la boutique souvenirs sont maintenant syndiqués au Centre Bell, en partie, grâce à la FTQ*.

Leclerc pouvait-il ignorer cette nouvelle paru en février dernier où est-il simplement de mauvaise foi?  

Si j’étais le président de la FTQ, disons je lui donnerais un petit coup de fil…

Pour revenir à l’éventuel lock-out qui nous attend peut-être dans le détour, peut-on véritablement et sérieusement y associer la FTQ et ses valeurs syndicales? Peut-on vraiment l’accuser de « capitalisme sauvage »?

« La quoi? La FTQ? Mes boss? Capitalisme sauvage? Non, connais pas… »

Non! La FTQ, ne peut se voir attribuer (sérieusement) la responsabilité de mettre des employés, en l’occurrence des joueurs du Canadien, à la porte et de sombrer dans la capitalisme sauvage!

Premièrement, un lock-out, nous n’en sommes pas encore là! C’est loin d’être une certitude qu’il y aura un lock-out, surtout un long. Pourquoi une LNH qui fait des profits, comme c’est le cas depuis 2005, voudrait-elle s’éterniser dans un conflit qui, cette fois-ci, ne pourrait que nuire à son image? Alors, avant d’y associer des « partenaires » de troisième ordre par la fesse gauche comme la FTQ, on va se garder une petite gêne… ou deux!

En effet, faut-il le rappeler, la FTQ n’est pas l’actionnaire principal du CH. C’est un actionnaire minoritaire. Son poids autour de la table au conseil d’administration du Club n’est pas si grand. Aussi bien dire que son poids autour de la table de négos avec les autres équipes de la LNH est inexistant.

Deuxièmement, la FTQ, par le biais de son Fonds de solidarité, soutient ou a probablement déjà soutenu au moins un autre business qui a dû mettre des employés à pieds ou en lock-out momentanément. Ça ne l’excuserait pas, mais on se doute bien que ce ne serait pas vraiment une première, lorsqu’on est actionnaire dans plus de 1 800 business… C’est juste plus spectaculaire parce que c’est le Canadien.

Or, l’objectif principal du Fonds est d’appuyer les entreprises d’ici et de faire croître l’investissement des travailleurs qui y contribuent. Qui parmi ces travailleurs se plaindra et criera au scandale si, après un petit lock-out où des millionnaires – notez bien M. Leclerc – des millionnaires sont mis momentanément à la porte, la FTQ appui une entreprise qui génèrera plus de profits au final? Car ne l’oublions pas, le Fonds de la FTQ est là pour investir l’argent des travailleurs dans des entreprises locales qu’il juge rentables. Le CH en est une et le restera encore longtemps. Lock-out ou pas.

En tous cas, moi, quand on met momentanément en lock-out des MILLIONNAIRES, je me garde une grosse petite gêne avant d’accuser le patronat et ses actionnaires de faire du « capitalisme sauvage ».

Pas exactement comme si on allait mettre à la porte des employés qui gagnent 50 sous de plus que le salaire minimum pour les faire remplacer par des scabs!

Par ailleurs, ne perdons pas de vue que ce n’est pas le CH qui mettrait directement ses joueurs en lock-out, c’est la LNH. Ce serait donc une décision concertée entre propriétaires dont fait bien sûr partie M. Molson, mais gageons que ce dernier ferait également partie de ceux qui préféreraient qu’il y ait du hockey le plus tôt possible.  À chaque match annulé, il perdra des millions, le bon Geoff!

Bon, il en récupérera probablement une bonne partie si l’entente survient assez tôt et qu’elle favorise encore un peu les propriétaires, mais il y a un équilibre dans tout ça. Passé une certaine date, il fera moins de profits cette année qu’il n’en aurait fait sans lock-out.

Un lock-out aura pour but de sauver des équipes pauvres et d’amoindrir légèrement les dépenses des équipes riches. Mais un arrêt prolongé nuirait, du moins à court terme, à ces mêmes équipes riches. Pas de matchs, pas de revenus.

Enfin, comme elle l’avait fait dans le dossier des employés de la boutique souvenirs, il est possible que le Fonds de la FTQ, par respect pour ses valeurs et sa propre image, mette encore une fois de la pression sur le CH advenant un lock-out qui se prolongerait. La seule différence – et elle est importante – est que cette fois-ci, le Fonds de la FTQ demanderait au CH de faire pression sur la LNH et non sur une espèce d’investisseur local (Bertucci) ayant commis des impairs fiscaux afin de régler le conflit. Disons que son influence risque d’être moins grande que pour les employés de la boutique souvenirs…

Bon, c’est moins croustillant que le texte de Leclerc, mais c’est peut-être un peu plus exact…

*Je remercie Louis Fournier qui a inspiré ce texte par son éclairant commentaire au bas du texte de Martin Leclerc sur son blogue de Radio-Canada.

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