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Le cadeau des Oilers aux Québécois

Avec le temps des fêtes qui approche aussi rapidement que Michaël Bournival en poursuite de la rondelle, voici une belle histoire de générosité, qui est et sera toujours agréable à se remémorer. Telle la légende du P’tit renne au nez rouge, Le cadeau des Oilers aux Québécois devrait aussi faire partie du folklore de notre belle province pour plusieurs générations à venir…

Tout cela a débuté par une belle soirée d’été, le 22 juin 2012 plus précisément. On (lire les amateurs de hockey de toute la province) savait tous d’ores et déjà  que la veillée allait être joyeuse et festive. Pour la première fois depuis la sélection de Doug Wickenheiser en 1980, le Canadien allait repêcher l’un des trois meilleurs joueurs d’âge junior au monde! Ce qu’on ignorait à ce moment, c’est que les deux équipes mieux positionnées que le CH (Edmonton et Columbus respectivement) allaient lui laisser le champ libre pour enrôler LE meilleur!



Un cadeau d’une valeur inestimable
photo : sports.nationalpost.com

Le cadeau fut donc envoyé aux alentours de dix-neuf heures seize minutes, en provenance de Pittsburgh, en Pennsylvanie, chez nos voisins du sud. En effet, c’est à cet instant précis que les Oilers décidèrent de repêcher un dénommé Nail Yakupov, une bombe sur patins originaire de la Russie, mais à la réputation de personnage égocentrique et nonchalant. Puisque la formation qui allait utiliser le micro tout de suite après avait toujours désiré un défenseur, le Canadien de Montréal, cette organisation mythique du hockey, mais tant écorchée depuis près de deux décennies, voyait une perle rare, voire un enfant prodigue, lui atterrir entre les mains!

Il se prénommait Alex, exactement comme le dernier joueur du Tricolore sur qui le peuple québécois avait déversé tant d’amour, d’affection et d’admiration, et ce, même si ce dit joueur n’aura connu qu’une seule saison grandiose, entremêlée de déboires, de blessures et d’épisodes de je-men-foutisme.

L’autre Alex… L’autre #27
photo : lapresse.ca

Ce Alex, par contre, était un VRAI. Né aux États-Unis, de parents russes, il apprit très tôt la notion de sacrifice. En effet, il passa son enfance à voyager d’un continent à l’autre pour suivre son père, alors hockeyeur professionnel. D’autant plus que la carrière de son père dans les différents circuits mineurs n’apporta guère la vie aisée et remplie de gloire que l’on puisse s’imaginer. Sur le plan humain, nul ne peut douter de la richesse de cette expérience de vie, qui aura enseigné au petit Alex une multitude de choses, dont la diversité culturelle et l’adaptation sociale, ce qui aura, entre autres, fait de lui une personne trilingue.

Physiquement parlant, Alex possédait toutes les qualités requises pour connaître le succès, soit la taille imposante, la rapidité, l’agilité et toutes ces habiletés que peu d’êtres humains ont la chance de posséder. Mais par-dessus tout, il se démarquait par ses attributs plus intimes, plus secrets. Il était une personne de nature affable, toujours prête à rediriger les compliments et les félicitations vers autrui. Il était d’une rigueur implacable dans son travail, ne négligeant aucun détail pour devenir toujours meilleur. Il était d’une ténacité à toute épreuve, et ne se laissait jamais abattre par les coups durs et les embûches. Une embûche comme une blessure sérieuse à un genou, blessure si grave qu’elle lui fit rater entièrement sa saison précédant le repêchage de la LNH. Ironie du sort, cette même blessure lui aura permis d’aboutir dans sa nouvelle ville d’adoption, Montréal, car advenant le fait qu’il ne se soit jamais blessé, on peut aisément supposer qu’il aurait devancé la compétition de manière outrageuse.

Pour nous convaincre de son attachement à cette nouvelle ville, de même qu’à son équipe, souvenons-nous de cette fois où, après avoir compté un but, sa réaction spontanée fut non pas de lever les yeux vers la foule pour boire ses applaudissements, ni de se donner en spectacle au centre de la patinoire, non, bien au contraire. Instinctivement, il prit son chandail d’une main, tout juste à l’endroit où se trouve l’emblème symbolique CH. Cet emblème qui représente pour la majorité des Québécoises et des Québécois, depuis des générations, un symbole de culte, presque spirituel. Et bien ce jeune homme d’à peine dix-neuf ans porta cet emblème à sa bouche pour y déposer un doux baiser, conscient de toute la signification, et de toute la portée de ce geste pourtant banal en d’autres circonstances.

Étrangement, ce grand joueur, et surtout, ce grand homme, n’aurait jamais dû se retrouver là, sur la surface glacée de cet amphithéâtre célèbre, à cet instant précis. Non. Il aurait logiquement dû se trouver dans la ville de Chicago, représentant une équipe de hockey canadienne, ça oui, mais celle d’Edmonton. Cette dernière, et c’est le cas de le dire, puisqu’elle connaît amplement la signification de l’adjectif dernière, avait repêché une multitude d’attaquants talentueux dans les années précédentes, et aurait dû, en principe, jeter son dévolu sur un défenseur du nom de Ryan Murray, ou à tout le moins sur un joueur de caractère comme le jeune Galchenyuk, pour assurer un meilleur équilibre des forces, et ainsi aspirer à redevenir une puissance du hockey nord-américain. Défiant toute logique, elle s’est plutôt rabattue sur le Yakupov en question.

Certes, ce dernier était spectaculaire, flamboyant et attrayant. De son côté, le jeune Alex était plus timide, plus réservé, et il revenait tout juste d’une longue et pénible convalescence. Probablement même que certains doutaient de sa capacité à revenir au niveau d’antan, sans compter toute l’expérience qu’il n’avait pu acquérir pendant cette période.

Pourtant, on oublia d’évaluer le facteur le plus important, soit la force mentale, force qu’Alex avait dû tester, et par conséquent renforcer, en regardant tous les autres jeunes joueurs de son âge faire les délices de centaines de recruteurs à travers l’Amérique. En bout de ligne, les deux protagonistes de notre histoire se ressemblent en plusieurs points, ayant en plus évolué dans la même formation le temps d’une saison et quelques poussières. Ce qui les différencie le plus, cependant, entre dans la catégorie des impondérables. Il s’agit de leur désir de réussite, combiné au degré d’efforts et de sacrifices qu’ils sont prêts à investir pour y arriver. Sur ce point, des années-lumière les séparent. C’est également ce qui rend notre jeune Alex si spécial, si glorieux.

Le plus intrigant dans toute cette histoire est que le jeune prodige, Alex, n’est pas du même acabit que les grands de la tradition de nos Glorieux. D’aucuns prétendent éventuellement le voir chausser les souliers du Démond blond, du gros Bill, de Boom-Boom ou encore du Rocket, ce qui amplifie du coup l’étrangeté de la situation. Toutefois, tous ont à peu près le même pressentiment, soit qu’il saura s’élever au rang des meilleurs joueurs de son époque, mais surtout, qu’il deviendra assurément l’une des plus grandes personnes de l’histoire tricolore, un modèle sur qui tous les bons pères de famille voudront voir leur garçon prendre exemple.

Monsieur Béliveau, lorsqu’un jour vous nous quitterez, sachez que vous pourrez le faire l’âme en paix. Un digne successeur nous vous avons trouvé.

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