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Boogaard, Probert, Belak, Rypien et Sanderson sont-ils morts pour rien?

Le récent incident impliquant George Parros nous a une fois de plus fait replonger dans le fameux débat entourant les bagarres au hockey.

La LNH doit-elle abolir les bagarres? nous sommes-nous tous demander cette semaine, ou encore, pourquoi ne les abolit-elle pas?

En gros, si elle ne les abolit pas, c’est parce que les bagarres nous excitent et lui font faire de l’argent. Simple de même.

J’en déduis aussi que la LNH est la seule vraie hypocrite dans cette histoire. Elle est aussi profondément irresponsable.

Creusons un peu…

Pourquoi peut-on « s’exciter » à la vue des bagarres et être en même temps pour leur abolition sans être hypocrite?
En creusant un peu, on se rend compte qu’il n’y a en effet que deux phénomènes qui expliquent l’intérêt pour les bagarres au hockey et qui justifient leur présence au sein de la LNH : notre cerveau primitif et l’argent.

Un party mix pour les psychologues du marketing!

« Ben voyons, y‘en n’a pas de problème les amis! »

Il faut simplement comprendre les structures de base du cerveau humain pour y voir plus clair.

D’abord, le cerveau « primitif », dans sa structure souvent nommée « reptilienne », renferme nos mécanismes de survie, dont notre système de défense. En gros, nous avons deux réactions de base face au danger, le combattre ou le fuir.

Or, lorsque ce n’est pas nous qui sommes impliqués dans un affrontement mais d’autres personnes, en l’occurrence des joueurs de hockey, dont un joue pour l’équipe adverse, on va avoir une forte tendance à « préférer » le combat! Il va du moins nous exciter plus que la fuite! On veut du sang!

Rappelons-nous tout l’engouement créé lors d’une bataille dans la cour d’école lorsque nous étions plus jeunes… On ne voulait pas manquer ça pour tout l’or du monde (quand on en était pas nous-même les protagonistes)!

Cette tendance primitive déclenche ensuite – dans un autre système du cerveau, souvent associé à la partie « limbique » – des émotions qui nous font bondir spontanément de notre siège sans que nous puissions y faire grand-chose.

Ces émotions produites spontanément par cette autre structure ancienne nous conduiront le plus souvent à « désirer », sans aucune réflexion, que le joueur de notre équipe favorite règle le cas du joueur adverse. On ne peut pas empêcher un « cœur » d’aimer et… d’haïr!

Pour leur part, tranquilles jusqu’ici, les « nouvelles » structures de notre cerveau, associées essentiellement au néo-cortex, se chargent de produire des pensées critiques et des réflexions d’ordre morale plus complexes et nuancées à partir des informations disponibles sur un sujet donné.

C’est grâce aux systèmes rattachés au néo-cortex que nous pouvons associé à l’humain une certaine liberté de choix et du coup une responsabilité vis-à-vis ses décisions et actions.

Ces structures plus récentes issues d’une évolution plus tardive, demandent un certain détachement et un certain temps avant de s’activer et de traiter rationnellement d’une question ou d’un problème.

Elles nous permettront ensuite, à tête reposée, d’’adopter un point de vue critique faisant appel à des valeurs et des principes moraux d’ordre supérieur (comparativement aux simples émotions) dont nous pouvons débattre, du genre, la santé et la vie sont plus importants et défendables que l’argent et le plaisir. 

Donc, est-ce hypocrite d’être excité à la vue d’un combat sur la glace au point de se lever de son siège, et d’être en même temps contre les bagarres au hockey?

La réponse est à cette question devrait maintenant être claire : non, ce n’est pas hypocrite!

C’est peut-être un phénomène en apparence paradoxal, mais il n’y a pas d’hypocrisie ici!

On veut tous voir de l’écrapou, comme lorsqu’on ralentit pour mieux voir un accident sur la route. Ce n’est pas nécessairement intelligent mais c’est un comportement normal et passablement universel.

C’est juste normal pour un être humain au cerveau normalement constitué de réagir ainsi. Dans un premier temps, les parties anciennes de notre encéphale ne peuvent s’empêcher d’avoir une réaction et de produire de fortes émotions à la vue d’un tel spectacle. Dans un deuxième temps, il est tout aussi normal de s’arrêter pour réfléchir par rapport à un phénomène peut-être « plaisant » mais nuisible et non-nécessaire, et souhaiter qu’on y mette fin.

Arrêter de fumer, porter la ceinture de sécurité et ne pas boire au volant, ne pas jeter ces ordures par la fenêtre sur la route, faire du recyclage, sont tous des idées qui ont du être renforcées par les responsables au pouvoir avant que l’on constate un changement dans le comportement du monde ordinaire. Voyez le genre?

La LNH doit faire ce même examen de conscience, cette même prise en charge par rapport à un comportement inutile et néfaste.

Enrico Ciconne en arrivait à un raisonnement semblable plus tôt cette semaine
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Et ne me faites pas le coup classique du sophisme de l’incohérence entre la parole et les actes, du genre « c’est qui Ciconne pour dire qu’on devrait abolir les bagarres? Il s’est battu durant toute sa carrière ». Ciconne a le droit de réfléchir rationnellement comme tout le monde sur ce sujet, même si il a fait des millions avec ses poings par la passé.

L’argument « sportif » est insuffisant
Au hockey, la bagarre n’a généralement pas une incidence directe et certaine sur le résultat final. D’ailleurs, elles surviennent souvent quand le match est hors de portée pour une des deux équipes.

Bien sûr, une bagarre peut à l’occasion faire changer le rythme d’un match, pour le meilleur et pour le pire. Mais, il existe des dizaines d’autres façon de changer le rythme d’un match : marquer un but, tuer une pénalité, appliquer une bonne mise en échec légale, faire un gros arrêt, appeler un temps d’arrêt, changer de gardien, modifier les trios, etc.

Une petite enquête menée aujourd’hui par Gabriel Béland de La Presse, révèle d’ailleurs que lors des 20 dernières années, seulement cinq équipes dites « bagarreuses » ont gagné la Coupe Stanley, dont l’Avalanche en 2001, une édition qui comptait aussi dans ses rangs quelques joueurs pas piqués des vers : Roy, Sakic, Forsberg, Blake, Bourque, Tanguay, Hejduk, Drury, huit joueurs vedettes, dont cinq Hall of famers, juste ça!

Mais est-ce que ces équipes qui gagnent la Coupe Stanley une petite fois sur quatre en se battant plus souvent que les autres fournissent un argument « sportif » suffisant pour justifier l’existence des bagarres?

Quand on sait que celles-ci peuvent occasionner des pertes de vies à court, moyen et long terme?

Quand on sait qu’elles ont fini par coûter la vie à Bob Probert, Derek Boogaard, Wade Belak et Rick Rypien et, d’une façon très claire et nette, lorsqu’elles ont causé la mort de ce joueur senior ontarien, Don Sanderson, décédé en 2009, à la suite d’une bagarre où sa tête a heurté la glace.

Non, l’argument « sportif » n’est clairement pas suffisant, et les personnes en charge du cirque doivent alors, impérativement, davantage prendre soin de leurs « gladiateurs », quitte à les protéger d’eux-mêmes.

Et, en passant, M. Molson, ne vous cachez pas derrières des formules creuses, vous êtes un des « experts » en charge de ce cirque! Où est passé votre leadership et votre courage du printemps 2011?

Quoi encore? Si on enlève les bagarres, cela donnera lieux à des conséquences encore « plus déplorables »? C’est ce que laissait encore entendre un autre « expert », Gary Bettman, cette semaine, avec son histoire de « soupape » qui fait diminuer la tension lors de certains matchs…

Est-ce qu’il a des preuves de cela M. Bettman? Si oui, qu’attend-t-il pour les fournir et en faire la démonstration irréfutable?

Et qu’est-ce qui peut être « plus déplorable » que cinq morts depuis 2009?

De toute façon, des coups vicieux, il en pleut comme jamais, pourtant les bagarres sont bel et bien là. C’est un mythe qui a la couenne dure que de penser qu’elles limitent considérablement les coups salauds.

Milan Lucic était même juste là, sur la glace, lorsque Marc Savard s’est fait démolir l’encéphale par le subtil Matt Cooke il y a quelques années…

Les abrutis comme Cooke et Kaleta ne s’empêchent pas de « jouer cochon », parce qu’il y a une couple de tough de l’autre côté. Ils savent qu’ils vont pouvoir se cacher et fuir les matamores du club adverse à 95% du temps… Pensez le contraire revient à croire aux licornes roses.

Le problème est pourtant très simple : les punitions et les suspensions ne sont pas assez sévères suite à des coups salauds.

Notre fameux Colton Orr n’a même pas été suspendus suite à un double échec donné au visage d’un défenseur des Flyers cette semaine. Édifiant…

Appliquez de suspensions automatiques de 10-20-25-30 matchs suite à des coups salauds, serait plus efficaces que d’avoir un ou deux goons sur le banc…

Allo, la Terre! C’est un peu comme les Républicains qui pensent enrailler le problèmes des armes à feu en réclamant que les gardiens des écoles se dotent eux aussi de fusils!

Money rules
Alors, s’il n’y a pas d’argument « sportif » valable pour conserver les bagarres, pourquoi les maintenir en place?

Parce que c’est payant. Point.

Parce que notre cerveau primitif qui nous fait bondir de notre siège en redemande, encore et encore.

Il ne peut s’empêcher de s’émoustiller à l’idée de voir ce spectacle où la vie des autres est en danger. Rien n’a changé depuis les gladiateurs romains. Aucune évolution majeure de ce côté.

Cependant, les données sur la santé du cerveau, analysables tranquillement par le néo-cortex, ont passablement évoluées depuis Jules César…

Dans un monde civilisé, lorsqu’on est en possession de preuves scientifiques difficilement réfutables, cela paraît profondément irresponsable de ne pas les considérer rapidement.

On fait entre autres référence à cette fameuse étude de l’Université de Boston paru en 2011, dont on a une fois de plus discutée dans La Presse cette semaine. Cette étude a entre autres analysé les cerveaux de Probert et Boogaard, chez qui on a diagnostiqué des lésions, des traces évidentes d’encéphalopathie traumatique chronique causée par la répétition de coups à la tête…

Un pur hasard dans leur cas?

Et voilà où se trouve la vraie hypocrisie. Dans le fait de ne pas agir en remettant faussement en doute des études sérieuses, because the money.

La bagarre est même un des instruments de marketing clés dans plusieurs gros marchés de la plus prestigieuse ligue de hockey sur glace! Bravo! Je vous laisse deviner lesquels…

Bref, le cerveau primitif en chacun de nous s’excite ; la LNH le sait et en profite au plan monétaire en balayant tout le reste sous le tapis.

Ahhhh, la liberté de choix!
Bien sûr, diront les apôtres de la « liberté de choix » à la Jeff Fillion, les Probert et Boogaard de ce monde n’auraient jamais fait autant de millions s’il n’avait pas accepté volontairement le boulot que la LNH leur proposait. On n’a pas à les prendre en pitié!

Ok, oui, oui, oui. Mais ils seraient probablement encore en vie si la LNH avait interdit les bagarres suite aux débordements des années 1970 et 1980…

Doit-on demander ce qui est le plus important ici?

Et, en passant, apôtres de la liberté à toutes les sauces, l’être humain a tendance à choisir à l’intérieur d’un nombre très limité de choix au cours des différentes situations de sa vie. Quand la vie a fait en sorte que tu pouvais devenir un hockeyeur professionnel et que le moyen le plus simple de t’assurer de faire ce genre d’argent au niveau de la LNH est de battre, que choisis-tu de faire?

Je pense que les bagarres seront un jour éradiquées de la LNH. Cela me paraît même inévitable.

Mais combien de morts cette ligue aura-t-elle besoin d’avoir sur la conscience avant d’agir? Doit-on répéter que c’est elle qui devrait dicter la marche à suivre?

Pendant que l’eau commence à bouillir, la grenouille ne se rend toujours pas compte qu’elle est en train de mourir… 

Bon samedi!

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